Quand un géant mondial du verre annonce qu’il est engagé dans une démarche 100 % décarbonée ça intéresse forcément. Or, le verre, comme tous les autres matériaux de construction, peut-il vraiment être produit sans le moindre rejet de CO2 ?

Du verre zéro carbone?

L’information a fait son buzz. Même le site du très sérieux magazine Le Moniteur titre  : « une première mondiale pour Saint-Gobain », c’est dire. Le groupe industriel a réussi à produire dans son usine d’Aniche dans le Nord, du verre issu « à 100 % de verre recyclé (calcin) et 100 % d’énergie verte, produite à partir de biogaz et d’électricité décarbonée ». Jusqu’à présent, ce calcin issu des filières de récupération et de recyclage représentait en moyenne 30 % de la matière première pour la fabricatiuon de verre plat, le reste étant constitué essentiellement de sable prélevé dans la nature, une ressource épuisable. Plus on recycle les verres des bâtiments en déconstruction et plus on préserve l’environnement. C’est assez logique. D’autant plus que le calcin fond à une température moins haute que le sable, il émet donc moins de carbone lors de sa transformation. Cela n’en fait cependant pas un verre « zéro carbone ». Par exemple, il a fallu des milliers de kilomètres en camions pour rassembler, trier et acheminer le verre à recycler vers son point de fusion. Ce dernier est alimenté avec « de l’énergie verte ». Or, le biogaz n’est pas une énergie zéro carbone, mais issue d'une ressource renouvellable.

De la communication grand public

Il y a plusieurs mots-clés qui sont avancés ici : bio, zéro, carbone, recyclage... Ça fonctionne pour le grand public et sur les réseaux sociaux. Dans l’univers du bâtiment, les acteurs s’interrogent plus sérieusement sur les capacités de production d’un tel matériau issu exclusivement de la filière du recyclage. « Une ligne de float c’est environ 400 tonnes / jour, 365 jours par an pendant 15 ans. L’approvisionnement en calcin devra être considérable pour assurer cette continuité si le marché exigeait ce type de produits vertueux », s’interroge une experte du domaine. D’autres se posent la question du surcoût lié à un contrôle qualité qui sera logiquement plus rigoureux, le risque de trouver des impuretés dans ce calcin étant plus élevé. Enfin, la question des couches appliquées sur les verres n’est pas évoquée dans le communiqué de Saint-Gobain. Le verre ainsi fabriqué recevra-t-il une couche métallique sur ce site ou sur un autre ? Cela engendrerait nécessairement des émissions carbone en plus. La démarche du recyclage est absolument louable, il n’y a pas le moindre doute sur le sujet. Ça n’est pas une revue qui traite avec passion du métal qui dira un jour le contraire. Attention toutefois aux effets d’annonce. La problématique du développement durable, de la réduction des émissions (pas seulement de CO2 justement…) et de la préservation des ressources est d’une importance telle que les approximations d'une communication simplifiée ne devraient pas y avoir leur place.

Photo : © Jilbert-Ebrahimi