C’est un peu comme un sablier. Les machines de Damien Laurent fascinent par le cheminement et le mouvement perpétuel des billes. Pour l’instant ce n’est qu’un passe-temps, un hobby. Cela pourrait devenir une spécialisation pour celui qui se déclare « métallier autodidacte ».

Damien est né dans la vallée de la Semoy, dans les Ardennes, un environnement où les industries du métal sont omniprésentes. Enfant, il a côtoyé Éric Sléziak, le sculpteur de Woinic, ce sanglier géant en acier (8,5 m de haut et 14 m de long) qui signe l’entrée dans le département en bordure de l’autoroute A34. Damien Laurent, aujourd’hui âgé de 36 ans, a été marqué par le travail de ce métallier artiste spécialiste de l’art démesuré. Or, c’est un peu contraint par la tradition industrielle locale qu’il s’engage dans un BEP de fonderie. Il rêvait pourtant de mécanique auto. Un temps tenté par un CAP de métallerie, il cheminera sur d’autres voies professionnelles au gré des opportunités. Nous retrouvons notre homme quelques années plus tard dans le Var comme entrepreneur du multiservice. Il entretient les demeures de la région ce qui suppose une multitude de talents et une belle dose de débrouillardise. Or, selon ses mots « le métal me manquait ». Une connaissance lui montre la vidéo d’une installation fascinante : une machine à billes. Un truc qui ne sert à rien mais dont l’effet hypnotisant est immédiat. Des billes montent et descendent dans un enchevêtrement de rails en métal. Le mouvement est perpétuel et agit comme un remède apaisant. L’attente pour ce type de machine fabriquée aux USA est d’un an. Damien décide alors de se lancer par lui-même.

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Un gabarit pour le cheminement

« J’ai commencé par regarder une série de tutos et de vidéos sur ces installations », fait-il remarquer. Cette première « machine » dispose d’un cadre en tubes d’Inox 316 L poli (45 × 45 × 75 cm). Les rails sont faits de ronds de 3 mm de diamètre. « C’est de l’Inox recuit, plus malléable et plus facile à cintrer ». Afin d’assurer un écartement identique entre les deux rails et sur tout le parcours, Damien réalise un outil spécifique qui agit comme un gabarit. Les traverses sont ensuite soudées au TIG ou au MIG selon l’accessibilité avec la torche. La principale difficulté n’aura pas été de créer ce cheminement chaotique. « J’ai mis un temps considérable à mettre au point l’ascenseur pour ces billes de verre de 25 mm de diamètre. Le mécanisme est activé par un petit moteur 12 V fixé sous un plat, en partie basse de la machine. Il fait tourner un axe qui est doté d’une vis sans fin réalisée avec du rond en Inox ». Le créateur a dû réfléchir à la forme de cet ascenseur hélicoïdal et « ça a été un sacré casse-tête ». Une fois le principe acquis, la porte était ouverte au démarrage d’une véritable « mise en production ». La première machine a été livrée, la sixième est aujourd’hui en voie d’achèvement. On notera que la finition est parfaite. L’artiste prétend qu’il reste des petits défauts, mais il n’y a que lui pour les voir.

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Les machines terminées attendent preneurs.

Des pièces uniques

Chacune de ces créations est unique et présente une géométrie et un cheminement différent. Plutôt que l’Inox poli, les cadres sont désormais en acier noir brossé et vernis. C’est nettement moins long en temps de préparation et donc aussi moins cher au final. Justement qu’en est-il du prix ? Entre 5 000 et 6 000 euros pour une machine à bille de taille standard. Un tarif qui n’effraie assurément pas ceux qui recherchent un moyen d’apaisement à faible impact écologique. « J’imagine mes installations dans des salles d’attente de médecins, pourquoi pas chez les dentistes ou les psychiatres. Il y a une fonction presque thérapeutique qui est assez évidente selon moi », lâche en souriant Damien Laurent.