Améliorez votre « marque employeur »
La situation est aussi grave que paradoxale. Le taux de chômage en France reste au-dessus de la moyenne européenne alors que des centaines de secteurs d’activité peinent à recruter. Six métiers sur dix annoncent avoir une forte tension sur le recrutement alors qu’ils n’étaient qu’un sur quatre il y a encore cinq ans. Face à cette situation, le gouvernement, persuadé que la réponse réside dans la formation des chômeurs, a même débloqué 1,4 milliard d’euros dans un Plan compétences. Ce plan est supposé résoudre une partie du problème. Les tensions sur les recrutements sont cependant aiguës à tous les échelons de l’entreprise. Aussi, la crise sanitaire a transformé le rapport au travail pour de nombreux salariés, à commencer par ceux qui ont pris goût au télétravail. Au-delà du confort de vie au travail ou même du salaire, il y a une demande de sens qui est grandissante.
Métal Flash La demande de télétravail, est-ce une révolution ou une évolution compte tenu de la crise sanitaire ?
Juliette Pascal C’est bien une révolution. Avant la crise sanitaire, ça n’était pas évident de demander un jour en télétravail. Dans notre cabinet qui applique un management souple, il n’y avait aucune possibilité d’avoir une journée en télétravail. Aujourd’hui il est largement accepté de n’être présent que 3 jours par semaine, voire moins. En quelques mois, le recours fréquent au télétravail est devenu une option tenable.
MF Les dirigeants se sont-ils assouplis ou sont-ils devant le fait accompli, devant un non-choix ?
J P Les deux. Leur décision dépend aussi du collaborateur. S’ils ont confiance et qu’il est autonome, ils y vont. La part de télétravail est en fonction du crédit de confiance en somme.
M F Les jeunes recrues ne sont-elles pas dans un paradoxe en réclamant de la liberté sans nécessairement avoir l’autonomie ?
J P Chez Sapiance RH nous sommes plusieurs à être beaucoup en télétravail, certains sont même à l’étranger. Il faut être solide pour pouvoir travailler seul et en autonomie. Ce statut n’est pas accordé aux juniors. Pour les encadrer il y a les managers qui n’ont pas envie ou qui ne peuvent pas travailler chez eux. Cela suppose de faire un audit de l’existant, repérer les collaborateurs qui ont besoin d’être au bureau pour être efficaces. Certains, jeunes et moins jeunes, détestent le fait de travailler à la maison. Ils peuvent devenir les « tuteurs » des juniors. Certains profils s’encadrent mieux au bureau que chez eux. Il y a de toute manière un impératif à mieux évaluer ses ressources humaines pour pouvoir agir au cas par cas.
M F Face à la pénurie de main-d’œuvre, la priorité pour les entreprises serait donc un audit des capacités de leurs ressources humaines et un nécessaire assouplissement de leur organisation ?
J P Exactement. Ce qui est sûr c’est qu’aujourd’hui pour attirer les rares candidats qui croulent sous les offres, il faut améliorer sa « marque employeur ». Une marque employeur attractive c’est celle qui va faire bouger le candidat. Ça passe notamment par la dimension RSE (responsabilité sociétale des entreprises). Quand un cadre de bon niveau a quatre offres solides, qu’est-ce qui le fait opter pour l’une d’elles ? Même l’aspect salarial passe en second plan sachant que les salaires suivent forcément à la hausse. Ces cadres de 30 à 40 ans cherchent des valeurs, un engagement, des labels de garantie sur les valeurs environnementales ou patrimoniales. Ils sont aussi demandeurs de souplesse sur le télétravail.
MF Quelle différence entre les diplômés actuels et ceux des années quatre-vingt et quatre-vingt dix ?
J P Il y a 30 ou 35 ans, il était courant d’être constant dans son choix de carrière. Il était bien vu de rester dix ans ou plus dans une même structure, c’était un gage de stabilité. On faisait des carrières longues dans un même secteur. Aujourd’hui, nombreux sont les candidats qui veulent multiplier les expériences. Les recruteurs estiment que cinq à six ans dans un poste c’est long. Autrefois, on y voyait un signe d’instabilité. Il y a aujourd’hui une volatilité des candidats qu’il n’y avait pas avant.
M F L’engagement des candidats dans l’entreprise a-t-il changé ?
J P Oui. Aujourd’hui, les 25-35 ans veulent pouvoir faire du yoga à 18 heures, les hommes veulent pouvoir s’occuper de leurs enfants et ne plus rester au bureau jusqu’à 20 heures. D’ailleurs, les grosses structures du conseil et de la finance ont plus de mal à recruter que les start-up qui livrent les fruits et des légumes bio… Passer son week-end au bureau c’est "has been".
M F Comment vous les agences de recrutement vous gérez la pénurie de candidats ?
J P Nous sommes obligé de multiplier les endroits où l’on peut dénicher un vivier de candidats. Auparavant, nous poussions une annonce sur Cadre emploi et l’Apec. Désormais, il faut activer les réseaux sociaux et tous les contacts personnels dont on dispose. Nous multiplions les contacts directs avec des décideurs pour entrer dans leurs réseaux. La diversification des sources est une clé. Notre métier consiste évidemment à chasser sur le terrain de ceux qui sont en poste.