La saga des RT (réglementation thermique) commencée par la RT 1974, a été un Leitmotiv pour les acteurs de la construction. Les RT ont haussé par paliers les exigences attendues en termes de dépenses énergétiques pour la construction neuve et, par la suite, pour la rénovation et les extensions (RT existant). Elles se sont inscrites dans une dynamique européenne enclenchée à la suite du premier choc pétrolier de 1973. Les RT ont visé l’énergie et ont ouvert la voie à l’idée qu’un bâtiment tertiaire ou un logement puisse devenir « frugal » sur le plan de sa consommation énergétique. Le double vitrage s’est généralisé, les isolations des toitures et des façades se sont généralisées, d’autres solutions de chauffage ont émergé alors que la part du fuel n’a cessé de baisser. Les industriels du vitrage (avec des solutions à couches minces) ont réalisé des prouesses techniques considérables dans le but d’augmenter l’isolation thermique.
Ouverture de la chasse au carbone
Avec la RE 2020 (réglementation environnementale) changement de paradigme. Cette réglementation qui entrera en vigueur dans la construction neuve au 1er janvier 2022 n’a plus seulement la dépense d’énergie en ligne de mire mais aussi les émissions de carbone à la phase chantier et durant toute la « durée de vie » du bâtiment. Le déséquilibre de l’effet de serre qui est enclenché et qui bouleverse déjà le climat sur terre, doit impérativement être ralenti à défaut de pouvoir être inversé. L’objectif en conformité avec les engagements internationaux pris par la France est la neutralité carbone à l’horizon de 2050 ce qui reviendrait à diviser par six les émissions de gaz à effet de serre émis depuis 1990. Pour le secteur de la construction, il s’agit de mesurer l’impact environnemental sous l’angle des émissions carbone de chaque bâtiment et de chacun des matériaux utilisés en le plaçant dans une lecture de l’analyse du cycle de vie (ACV). On avait abouti à un consensus avec le label E+C- qui détermine les émissions de gaz à effet de serre selon une approche de l’ACV dite « statique » sur une durée de 50 ans. Or, l’urgence climatique a poussé les décideurs politiques français à prendre les devants sur ce terrain. La France a ainsi choisi de passer d’une approche de l’ACV « statique » qui repose sur des normes de calculs reconnues par l’ensemble des pays, à une ACV « dynamique simplifiée » ne reposant sur aucune norme et totalement inconnue des autres membres du CEN (comité européen de normalisation). Que dit cette voie « dynamique » ? Pour faire court : elle prend en compte les « capacités de stockage du carbone ». De fait des coefficients sont appliqués sur le poids carbone des matériaux et sont plus favorables lorsque le rejet de carbone se fait en fin de vie du produit plutôt qu’au début. « Plus une émission a lieu tôt, plus son impact est fort » selon cette approche. Précisons : le bois, comme d’autres matériaux biosourcés, qui consomme peu de carbone à l’extraction et à la transformation, donc au début de son cycle et dégage le carbone stocké durant 50 ans en fin de cycle quand il est soit brûlé soit enfuit, est ainsi privilégié. Le monde de la construction qui comprend des dizaines de grandes familles de matériaux s’est mis vent debout contre ce traitement jugé inéquitable. Résultat du courroux : une entrée en vigueur qui est décalée de juillet 2021 à janvier 2022 et la possibilité de révisions dans le cadre d’une « clause de revoyure ». Cette clause permettra selon la FFB « en fonction des retours terrain recensés dans un observatoire ad hoc, d’adapter les exigences, à la hausse comme à la baisse ».
Vers un acier décarboné ?
L’acier comme l’aluminium, ne sont pas à première vue en odeur de sainteté dans le bâtiment bas carbone version « ACV dynamique ». Cette dernière prenant insuffisamment en compte le recyclage. Parions que les « clauses de revoyure » corrigeront cet aspect. D’autant qu’en matière de recyclage, les composites à base de bois collé (c’est ainsi qu’il convient de définir le CLT) sont soit brûlés soit transformés en panneaux de particules avec un supplément de résine. Le bois, certes capable de stocker temporairement du carbone, doit également faire face à des incertitudes d’approvisionnement et d’organisation. Il faudra aussi compter sur la capacité de la filière sidérurgique à produire de « l’acier propre ». La Suède, gros producteur d’acier, a, par exemple, investi 40 milliards d’euros dans un programme visant à produire de l’acier décarboné grâce à l’hydrogène. Plus près de nous, à Dunkerque, ArcelorMittal s’est associé à Air Liquide pour développer « des solutions de décarbonation de la production d’acier ». On parle d'une nouvelle « révolution industrielle » qui verra la fermeture progressive des hauts fourneaux traditionnels utilisant du coke. L’aluminium est engagé depuis des années dans un programme de recyclage (ex. Circal d’Hydro) qui ne pourra que croître vu le prix élevé de la matière première. Notons sur le plan national et en lien avec la profession, l’effort de l’Union des métalliers dans la publication des FDES (fiches de déclaration environnementale et sanitaire). Cette démarche permet aux métalliers de disposer des données d’analyse du cycle de vie des principaux ouvrages (menuiserie, garde-corps, escalier…) dans la perspective du calcul de la performance environnementale et sanitaire du bâtiment.
L'opportunité du confort d'été
Soulignons également au sujet de la RE 2020, que celle-ci accorde une place prépondérante au confort d’été. Après une succession d’étés caniculaires, il est devenu urgent de traiter cette question autrement qu’avec du rafraîchissement mécanique. Les métalliers auront leur mot à dire sur ce terrain avec notamment des volets coulissants ajourés capables de couper l’impact direct du soleil sur les grandes parois vitrées.
Plus globalement la RE 2020 dont les ambitions restent extrêmement élevées, devrait avoir pour effet une meilleure réflexion globale entre les filières. Le BIM devient alors un outil de coordination et d'anticipation bien utile. Et à ce jeu, les métalliers qui ont su se doter de bureaux d’études performants ne sont pas à la traîne. Et l’idée d’intégrer des matériaux biosourcés dans leurs ouvrages n’est pas non plus en soi une source de crispation. Au contraire.