Quand la maille se prend pour un rideau métallique elle apporte une puissance esthétique inégalée. © GKD
Quand la maille se prend pour un rideau métallique elle apporte une puissance esthétique inégalée.
Issus de l’industrie et disponibles en grandes dimensions, le filet ou la tenture métallique ont progressivement conquis le monde du bâtiment. Détournées de leur fonction initiale, ces mailles séduisent les architectes pour leur légèreté combinée à une grande résistance et une forte durabilité. elles collent à l’esprit du temps par plusieurs aspects.

L’habillage multifonctionnel par excellence

L’usage de la maille métallique a démarré dans l’industrie. Par exemple, pour des applications thermiques exigeantes comme les tapis roulants de convoyage d’objets ou d’aliments dans les fours de cuisson. En 1989, l’industriel Carl Stahl qui porte bien son nom (Stahl veut dire acier en allemand) a mis au point un filet Inox destiné au BTP. Sa première réalisation d’envergure fut la création d’un enclos au zoo de Cologne. Le filet convenant idéalement pour les grandes volières puisqu’il offre souplesse, solidité et transparence. Les câbles du filet y sont reliés par des manchons en acier inoxydable. Des structures tridimensionnelles, qui se conservent même sous de lourdes charges peuvent être créées. « Dans le milieu du spectacle, ainsi que pour les volières et enclos, les manchons et filets en version noircie sont appréciés pour leur parfaite intégration dans leur environnement respectif », confie Laurent Ackermann, responsable du département Architecture chez Carl Stahl. En France une des premières applications majeures est à porter à l’initiative de l’architecte Dominique Perrault pour les façades rideaux des tours de la BNF (Bibliothèque Nationale de France). Cette réalisation emblématique livrée en 1995, comprend pour plusieurs de ses plafonds des mailles du fabricant français Gantois Industries et en façades avec les produits de l’allemand GKD. Hors industries, les applications peuvent être vastes : des garde-corps, des enclos de zoos ou volières, des protections en façades d’immeubles ou de parkings aériens, des panneaux coulissants, des stores… Disponibles sur mesure et relativement aisés à mettre en œuvre, ces produits séduisent par leur durabilité et leur résistance, leur légèreté et leur transparence.

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Différents types de mailles

Il existe trois grandes familles de mailles : les rigides, les semi-rigides qui sont articulées autour d’un axe et les souples qui s’articulent dans les deux directions. La maille rigide est tissée avec des fils d’un diamètre assez important de 3 à 4,5 mm, éventuellement soudés, avec un montage en feuillures ou en cadres et répond à des applications de type remplissage de garde-corps. « Sur des longueurs supérieures à 2 ou 3 mètres, ces mailles offrent une certaine souplesse avec des contraintes de mise en tension qui demeurent faibles. Dans le cas des grilles électro-soudées dites « Slot » très rigides proposées par le fabricant polonais Progress, les fils se croisent et sont soudés avec un fil triangulaire qui pénètre et s’écrase dans un fil plat perpendiculaire », détaille Julien Pinet, directeur de Maille Métal Design (MMD), représentant de plusieurs fabricants comme Codina, Progress, ou encore des industriels davantage spécialisés sur des applications intérieures comme Banker Wire, TTM Rossi ou Kriskadecor. Une autre famille est celle des toiles souples tissées avec un fil de faible diamètre et qui se travaillent comme un tissu avec une souplesse bidirectionnelle. « Apprécié en décoration intérieure, ce tissage à double courbure peut être mis en tension pour former une surface trois dimensions. Des effets d’ombrage peuvent être obtenus en faisant varier le pas des mailles ce qui laisse passer plus ou moins la lumière », indique Christophe Poble, expert matériaux et dirigeant de Look Façade. Il peut aussi s’agir dans le cas, par exemple du modèle Alphamesh de Gantois, d’une cotte de mailles réalisée à partir d’un ensemble d’anneaux singuliers soudés les uns aux autres pour constituer un tressage souple. La tenture semi-rigide de type maille spiralée ou torsadée est appréciée pour les applications architecturales. Les mailles spiralées sont assemblées entre elles deux-à-deux par des tringles traversantes, qui les articulent comme une charnière. Livrées en rouleaux, elles peuvent atteindre de grandes hauteurs. « La maille ou la tenture semi-rigide sont des produits qualitatifs, en fil d’Inox ou d’aluminium, spiralé ou torsadé. Deux types de fils sont possibles, rond ou plat qui donnent un rendu esthétique différent, en prenant plus ou moins la lumière. Côté matériau nos ventes sont à 80 % sur l’Inox et 20 % sur aluminium », confie Stéphane Pouyot, directeur de l’activité Architecture et Bâtiment chez Gantois Industries. La fabrication en usine des mailles métalliques est un processus partiellement artisanal, avec des lisières et coutures soudées manuellement point-à-point. « Au final le produit est coûteux. De l’ordre de 180 à 250 euros le m2 hors pose. Plus la maille est petite, plus le travail manuel est important et donc relativement cher. Mais elle permet aux architectes d’apporter une vraie signature visuelle à leurs ouvrages », commente Stéphane Pouyot.

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Une pose rapide et facile

Les tentures semi-rigides sont livrées en rouleaux aux bonnes dimensions, avec des hauteurs de 10 à 15 mètres pouvant être obtenues sans structure. Elles ne peuvent pas être recoupées dans leur largeur, uniquement dans leur hauteur. Le poseur vient fixer les rouleaux en partie haute, les déroule jusqu’en bas et les met en tension en partie basse afin que la maille soit légèrement rigide. « Nous fournissons des systèmes de tension, avec vis de type 5 DF (double filet) par 40 mm de hauteur et écrous sur un plat, fixés dans la première maille. Les tentures à base de maille spiralée sont des produits assez techniques et moins connus des métalliers que nous accompagnons. Même si nous ne fabriquons plus les mailles, celles-ci restent majoritairement produites en France, et nous réalisons les études pour définir le calepinage, dimensionner la structure et les tensions admissibles en fonction du projet », explique Stéphane Pouyot. Sollicité sur le chantier de la faculté de Médecine de Montpellier, MMD a fourni des mailles spiralées MIES de Codina Architectural en rouleaux de 24 m de hauteur et de plus de 6 mètres de largeur. « Avec des largeurs jusqu’à 4 ou 8 mètres, les coutures sont réduites et les contraintes de dimensions viennent du transport et du levage. En façades, un habillage en maille métallique donne une griffe esthétique avec une bonne tenue mécanique en grandes dimensions. Il est non seulement plus léger qu’une tôle perforée mais allège aussi les structures secondaires et le temps de pose est réduit », assure Christophe Poble. Une application plus « utilitaire » concerne les parkings aériens : le filet semi-rigide y permet à la fois de ventiler et de protéger contre la chute. La fiche technique de la maille indique sa résistance au choc. « Lors d’une utilisation en garde-corps, la norme qui régit la résistance du remplissage est la norme NFP01-013 qui impose une résistance à un impact de 600 joules. Pour un garde-corps avec main courante, le dimensionnement maximum des mailles est de 60 par 104 mm avec un diamètre de câble de 1,5 mm. Autrement, pour un usage en végétalisation, il faut tenir compte de la prise au vent, du poids de la neige et du givre en hiver. Dans ce cas, les dimensions d’une maille peuvent aller jusqu’à 200 par 346 mm avec un câble de 2 mm », précise Laurent Ackermann. Enfin, l’ouverture de la maille peut faire l’objet d’essais avec le CSTB. Le pourcentage de vide est exploité par les calculs de la RT pour estimer l’apport en lumière naturelle. Cette valeur est aussi demandée de manière réglementaire pour les parkings de stationnement largement ventilés (PSLV) dont le taux d’ouverture en façades doit être supérieur à 50 %.

Du potentiel encore sous-exploité

Encore sous-utilisée par les métalliers, la maille métallique, en intérieur comme en extérieur, dispose de sérieux atouts pour séduire les donneurs d’ordres. Appréciée de nombre d’architectes, elle est déjà utilisée pour des opérations de prestige en façades. « Chez MMD, nous fournissons, par exemple, des mailles garde-corps pour les coursives des hôtels et nous avons comme référence le projet Roland-Garros pour lequel nous avons habillé le nouveau bâtiment organisation. Et, là aussi, la maille spiralée et semi-rigide fait office de garde-corps pour des coursives techniques ainsi que pour le toit terrasse, accessible au public », met en avant Julien Pinet. Parmi les références de Carl Stahl, figurent « l’enveloppe » qui recouvre la Tour M6B2 dite « de la biodiversité » à Paris et plus récemment les garde-corps de l’immeuble Higher Roch à Montpellier réalisé par l’atelier d’architecture Brenac & Gonzalez & Associés. « Les nouvelles tendances du marché sont la végétalisation de façades de parkings silos et de devantures d’immeubles, sur des filets métalliques ayant une double vocation : la protection contre la chute de personne et la végétalisation. Les filets sont posés toute hauteur et tendus avec des câbles en nez de dalle pour des dimensions de mailles allant de 60 à 100 mm », assure Laurent Ackermann. En version rigide, la grille métallique peut être utilisée pour des remplissages de garde-corps mais aussi pour des applications horizontales comme des caillebotis.