Le conflit en Ukraine continue d’impacter fortement les prix et la disponibilité des matières premières. L’Union des métalliers propose un état des lieux de la situation, principalement sur les marchés de l’acier, et dresse les évolutions possibles pour les semaines à venir.

Évolution et disponibilités des matières premières

Au niveau du contexte général mondial, il faut savoir que 70 % de la production mondiale d’acier est réalisée en Chine. Depuis 2008, la production s’est progressivement réduite en Europe. Pour maintenir cette production, l’Union Européenne a instauré un principe de quota – applicable par type de produits – sur les importations en provenance de Chine. De plus, la production est très diffuse : le principal producteur mondial d'acier pèse entre 6 et 10 % de la production totale.

L’impact du conflit en Ukraine

La crainte de répercussions fortes sur les marchés des matières premières a conduit de nombreux acteurs à accroître leurs commandes dès le début du conflit. Cela a poussé certains producteurs et distributeurs à se déclarer hors marché (pas de cotations, de délais ou de prix) face à l’afflux de commandes. La conséquence directe a été une très forte hausse des prix de l’acier et de l’aluminium entre autres. Aussi, la hausse des prix de l’énergie impacte également directement les coûts de production. La plupart des matières premières sont concernées : tuiles, briques, verre, PVC… Le bois connaît lui des pénuries de certaines essences, l’Ukraine étant un grand producteur de mélèze, par exemple.

Le cas particulier de l’acier

L’Ukraine est un important producteur d’acier. L’impact du conflit a été direct puisqu’une usine sidérurgique est quasiment à l’arrêt et une seconde à proximité de Marioupol a été bombardée (Metinvest, sidérurgiste ukrainien). Ce manque de disponibilité a conduit à des tensions d’approvisionnement (et donc de hausse des prix) sur tous les marchés, particulièrement notable en Europe du Nord, l’Allemagne et la Pologne drainant la majorité de la production. La situation en Europe du Sud est plus « détendue » grâce à des sources d’approvisionnement plus variées. Néanmoins, de fortes tensions sociales (sur fond d’inflation record) sont intervenues mi-mars en Espagne notamment avec de fortes répercussions sur la production (arrêt faute d’approvisionnement) et les transports. La France est donc dans une situation « d’entre deux » : les hausses des prix ont été très fortes mais il y a peu (voire pas) de risque de pénuries sur les produits majoritairement utilisés en métallerie.

Perspectives pour les mois à venir

Il est bien difficile de définir des perspectives fiables pour les mois à venir tant la situation en Ukraine et dans sa région pourrait évoluer. Néanmoins, dans l’état actuel du marché de l’acier, il est possible de dire :

  Pour les produits longs : a priori, il n’y a pas de risque de pénurie de matières premières. La demande s’est désormais stabilisée. Tout en restant à un niveau élevé, les prix ne devraient pas connaître les fortes hausses de ces dernières semaines. Des fluctuations pourraient intervenir en fonction de l’évolution des coûts de l’énergie. Une (très) lente détente sur les prix est même envisageable.

  Pour les produits plats de faible épaisseur : la situation est proche de celle des produits longs. L’approvisionnement devrait être assuré, avec un niveau de prix toujours très élevé. Une détente est moins probable que sur les produits longs en raison des difficultés de production des brames.

  Pour les produits plats de forte épaisseur : la situation est beaucoup plus critique. Les usines ukrainiennes impactées par le conflit sont productrices de brames à la base des produits de forte épaisseur. L’approvisionnement est donc fortement impacté et les prix pourraient varier plus fortement que sur les autres typologies.

  Pour les inox, après une envolée des prix – ayant même conduit à un arrêt des cotations pendant quelques jours –, la situation semble se stabiliser et les disponibilités redeviendraient raisonnables.

L’aluminium est toujours orienté à la hausse en raison des coûts de l’énergie mais la demande continue à augmenter et les contraintes sur les producteurs russes (Russal par exemple) pourraient induire des disponibilités plus faibles. Une pénurie est néanmoins peu probable.

À noter que de nouveaux confinements liés au Covid-19 en Chine pourraient diminuer la demande du marché intérieur et profiter aux marchés mondiaux.

Quid des quotas d’importation ?

Ces quotas ont été mis en place en 2018 pour protéger la sidérurgie européenne des effets potentiels de la décision du président des États-Unis d’instaurer des taxes d’importation pour l’acier et l’aluminium, notamment vis-à-vis de la potentielle arrivée massive d’acier chinois à des prix extrêmement faibles. Suite au conflit, les quotas d’importation destinés à la Russie et l’Ukraine ont été répartis sur les autres pays européens. Néanmoins, ces quotas sont quasiment déjà atteints. Des pénalités de 25 % étant appliquées en cas de dépassement, les distributeurs sont réticents à prendre le risque de les dépasser. Des démarches sont donc en cours pour demander une augmentation de ces quotas d’importation au niveau européen. C’est cependant une démarche de longue haleine qui ne pourra porter ses fruits qu’à moyen terme.