« Lors des recrutements, nous privilégions le savoir-être »
Qu’est-ce qui fait que l’on se sent bien dans une entreprise ? Qu’est-ce qui fait que l’on y reste et que l’on serait même tenté de la recommander à son entourage ? En cette période tendue sur le front des recrutements, les ressources humaines sont cruciales pour la survie des entreprises. Alors quand un membre de l’Union des métalliers obtient le label « Great place to work », entendez « un endroit où il fait bon travailler », ça interpelle. Le groupe Sofradi en région nantaise, a quatre métiers : isolation industrielle, aménagements, isolation frigorifique et façade – menuiseries aluminium. Fruit d’un rachat par un groupe de salariés, il est piloté par un comité de direction de cinq personnes. Le slogan du groupe de 250 salariés donne le ton : « créateur de solutions isolantes au service de l’humain ». Est-ce seulement une formule ? Pour en savoir plus nous avons rencontré Béatrice Duboÿs, directrice des ressources humaines et de la communication ainsi que Sylvain Guillaumat, directeur d’activité façades fenêtres aluminium.
Métal Flash Quelle a été la recette pour obtenir ce label « Great place to work » ?
Béatrice Duboÿs C’est tout d’abord l’honnêteté de cette démarche. Le premier baromètre social de 2018 avait permis de faire avancer beaucoup de sujets. Cela signifie que nous prenons en compte l’avis de nos salariés. C’est utile et utilisé positivement. Dans cet esprit notre président Sylvain Fortineau a consulté il y a quelques années des salariés en leur posant trois questions :
- Pourquoi vous êtes venu chez Sofradi ?
- Pourquoi vous restez chez Sofradi ?
- Qu’est-ce qui vous ferait partir de Sofradi ?
Les remontées de cette enquête ont fait émerger les valeurs Sofradi STAPH (savoir-faire, techniques, ambition, partage, humain). Ce ne sont pas des valeurs en l’air, elles nous animent au quotidien. Il y a des salariés qui ne sont pas complètement en accord, mais dès que l’on fait un écart, c’est tout de suite rappelé par les équipes elles-mêmes. Ça nous oblige à être vigilants et à rester fidèles à ce que nous affichons.
M.F. Les aspirations des salariés ont-elles changé au cours des vingt dernières années et l’arrivée des jeunes générations ?
B.D. Je ne suis pas adepte d’une classification par générations. Les jeunes ont toujours eu des idées nouvelles. Un adolescent va être plus rebelle qu’un ancien, ça n’est pas nouveau. En revanche, le vrai changement c’est la relation au travail par rapport à la famille : les femmes travaillent et il arrive que ce soient les hommes qui s’occupent des enfants. C’est devenu normal. L’équilibre pro/perso est sans doute plus marqué aujourd’hui qu’il y a vingt ou trente ans. Cette évolution touche toutes les populations dans l’entreprise. Aussi avec une demande supérieure à l’offre, ce sont les candidats qui choisissent l’entreprise et non l’inverse. À poste et salaire équivalents, ils choisiront l’entreprise qui correspondra au mieux à leurs valeurs personnelles.
M.F. Quels sont les bénéfices de ce label ?
B.D. Le label « Great place to work » nous a permis de récupérer des données pour améliorer nos évaluations internes et notre climat social. Quand on est bien perçu, le challenge est de rester dans ce niveau de perception. Cette certification est devenue un argument de communication. La qualité de vie au travail et l’engagement sont des arguments pour attirer les candidats, c’est clair. Nous avons aussi mis en place un programme de cooptation, les réseaux des salariés sont aussi des leviers pour capter des compétences.
M.F. Sur quels postes la tension est-elle la plus forte ?
B.D. à tous les niveaux. Nous cherchons, par exemple, un plieur lasériste. Il n’y a eu aucune candidature. Dès que l’on cherche une compétence spécifique ça devient tendu. Un métreur avec dix ans d’expérience dans la façade est tout aussi compliqué à trouver. La solution est de s’ouvrir à d’autres secteurs moins spécifiques, chercher le savoir-être et former ensuite au métier que nous lui proposons.
M.F. : Encouragez-vous la synergie entre vos quatre métiers ?
Sylvain Guillaumat Quand un poste se libère dans un des métiers il est d’abord proposé en interne. Même si ça ne nous arrange pas forcément nous avons intérêt à favoriser cette migration au sein de l’entreprise. Notre baromètre est un miroir externe de ce que nous vivons au quotidien en interne. De fait, nous privilégions depuis quelques années le savoir-être au savoir-faire. C’est ce qui contribue à cette ambiance. Le savoir-faire peut s’acquérir, le savoir-être, c’est plus dur…
M.F. Comment peut-on définir le « savoir-être » ?
S.G. Nous avons une organisation hiérarchique comme dans toute entreprise. Cependant, derrière les valeurs STAPH il y a des termes importants comme la confiance et le droit à l’erreur. Nous ne consacrons pas du temps à surveiller nos salariés, même si nous fixons des objectifs. Le droit à l’erreur et la confiance sont ancrés dans notre conception du savoir-être. Les erreurs sont résolues collectivement autant que nous le pouvons.
M.F. Comment savoir que le candidat colle à ces valeurs ?
S.G. Nous procédons toujours à un entretien collectif quand nous voyons un candidat. C’est efficace pour se faire une idée, mais il y a aussi l’instinct et l’expérience qui entrent en jeu. C’est un ressenti collectif, certes pour partie subjectif, nous ne nous sommes que rarement trompés.
M.F. Comment se prémunir du recrutement « malheureux », qui fait basculer un beau chantier en un enfer ?
S.G. Il y a deux phases chez nous : la phase commerciale puis le mode projet pour démarrer le chantier. Dans la première étape nous sommes en mode coconstruction avec le maître d’œuvre. Les chantiers que nous réalisons aujourd’hui étaient en coconstruction il y a deux ans. Nos chantiers sont réfléchis. C’est le principe du mode projet complet. De gros chantiers avec une équipe compétente autour. Il y a des réunions spécifiques, des échanges et de l’autocontrôle par l’équipe. Avec toujours la notion de confiance. Avec cette approche collective il ne peut pas arriver qu’un des membres cache longtemps une erreur. D’autant que l’erreur sera nécessairement collective, tout le monde a intérêt à ce que le problème soit résolu.
M.F. Les chantiers sont-ils une vitrine pour le recrutement ?
B.D. Ça nous aide pour les personnes qui souhaitent intégrer une structure à forte valeur technique. Tout en restant une entreprise à taille humaine, nous sommes en mesure de séduire des profils d’ingénieurs. Nos ouvrages techniques doivent être placés au cœur de l’activité de nos salariés. C’est essentiel. La qualité de vie au travail n’a de sens que si le métier est enrichissant et apprenant.
S.G. C’est d’autant plus vrai qu’il n’y a peu de répétabilité dans nos métiers. Nous sommes fiers de passer devant nos chantiers que ce soit sur un paquebot ou un siège social.
M.F. Vous avez une Charte environnement, la RSE et des ruches sur votre terrain. L’écologie est-elle un levier de recrutement ?
B.D. Le chemin est long pour devenir plus vertueux. Les ruches sont une vieille tradition chez nous. Nous avons aussi un potager partagé avec les salariés, qui a été facile à mettre en place. Il est plus complexe de remplacer certains matériaux de construction.
S.G. L’amélioration de notre impact environnemental passe également par le recours aux sous-traitants locaux et aux produits avec une FDES favorable. Nous sommes conscients que l’écosystème local doit être préservé.
Parcours
Béatrice Duboÿs est diplômée de l’ESC Ipag et titulaire d’un Master 2 en ressources humaines de l’IGS obtenu en 2009. Après un stage au groupe Air Liquide, elle reste sept ans chez Manitou groupe. Entrée chez Sofradi en 2017, Béatrice Duboÿs y est DRH et responsable de la communication.
Sylvain Guillaumat est ingénieur diplômé de l’ESTP (promotion B98). Après six ans passés chez Bouygues Construction il a été responsable d’usine, ensuite directeur d’agence chez Lefèvre SAS puis de Renofors. Entré chez Sofradi en 2016 il y est directeur des activités façades et menuiseries aluminium.
www.sofradi.fr