Il n’est pas facile de porter le nom d’un père célèbre. Il peut être un tremplin comme un fardeau. Simone Prouvé, l’une des filles de Jean Prouvé, aura essayé une voie différente de celle de son emblématique père. Son truc à elle c’était le tissage, loin de la construction et du design. « Depuis mon enfance à Nancy, j’avais envie de tisser. Je rêvais de venir à Paris avec mes métiers », nous avait-elle raconté lors d’un entretien dans son atelier en 2002. Elle réussit à quitter Nancy « ville bourgeoise et étriquée » bien que son père lui ait fabriqué un métier à tisser… Au début des années cinquante Simone Prouvé quitte la France pour la Finlande et la Suède afin d'y apprendre d’autres techniques. De retour à Paris elle travaille pour l’ameublement avec des fibres de lin notamment pour de nombreux architectes. À partir de 1990, elle s’intéresse aux « matériaux qui ne brûlent pas ». Les fils de verre par exemple mais aussi le Kevlar ou le Trevira. Elle s’enthousiasme pour les fils Inox que l’industrie a commencé à produire au début des années quatre-vingt. Jean Prouvé décède en 1984, il n’aura donc jamais vu le travail de sa fille avec le métal.
Un lien inconscient au métal
Difficile de ne pas faire un lien pourtant. « Je suis venu vers ces fils inconsciemment, pour leur propriété de résistance au feu et finalement je tombe dans le métal comme mon père avec une grande passion. Je pense souvent à lui et j’imagine comme il aurait été intéressé par ces applications du fil Inox dans la construction ». Il aurait été certainement fier aussi d’apprendre que sa fille entre au « Panthéon de l’art contemporain ». En effet, le Musée national d’art moderne installé au Centre Pompidou a fait l’acquisition de plusieurs de ses panneaux. Celle qui, comme son père, préfére le mot « artisan » à celui « d’artiste », devient à 90 ans une figure indiscutable de la création artistique. Plus sensible aux relations humaines (dont des amitiés avec des métalliers comme Antoine Hueso) qu’aux honneurs, Simone Prouvé qui a travaillé pour de célèbres architectes et décorateurs (Odile Decq, Leïla Menchari, Claude Parent, Christian de Portzamparc…) sera restée longtemps dans l’ombre. Derrière des paravents mystérieux et troublants. Olivier Caillaud (ArcelorMittal) l’a côtoyé dès 1993 : « Elle réussit à dompter l’Inox et à s’exprimer parfaitement avec cette matière en rendant poétique ces fibres métalliques, restées confidentielles en dehors du secteur industriel ».