Avoir en temps réel sous la main l'état de sa situation devient une des clés de réussite pour les cadres et dirigeants d'entreprises.
« Ce n’était qu’à la fin d’un chantier, lorsque nous voyions notre père sortir en colère de son bureau, que nous comprenions que nous étions dans le rouge sur une affaire ». Jérôme Torsiello, dirigeant de Socam, entreprise familiale à Saint-Maurice-l’Exil (38), se souvient. Pour éviter de voir se reproduire ce type de situation, il a opté pour une mise à jour de son progiciel de gestion des devis et de la facturation CM Manager (éditeur 2CM Manager) orienté sur les métiers de la métallerie. Celleci a porté sur l’ajout de deux modules permettant la gestion des stocks (CM Appro) et le pointage des heures des collaborateurs (CM Temps). L’objectif est clair : pouvoir piloter plus finement et en temps réel l’activité de son entreprise de 43 salariés (8 millions d’euros de CA) en analysant, depuis le progiciel, différents indicateurs susceptibles de faire varier les marges des affaires en cours. « L’outil doit permettre de réagir à temps, de prévoir et d’anticiper », dit-il.
Émilie Batista-Fernandes, Sage, « les entreprises de bâtiment accusent encore du retard en matière de digitalisation. 2020 marque un tournant. Les dirigeants parlent tous de mobilité et du besoin d’échanger virtuellement ».
DÉMATÉRIALISER LES FLUX D’INFORMATIONS
Depuis le début de l’année 2020 et de l’avis de plusieurs fournisseurs de solutions de gestion, de nombreuses entreprises de métallerie font le même constat que Jérôme Torsiello : il est grand temps de dématérialiser les flux d’informations circulant dans l’entreprise et de les centraliser dans un outil. Pour Philippe Moyret, responsable commercial de l’éditeur 2CM Manager basé à Carcassonne (11), la forte demande des mois passés est « imputable au confinement, qui a bouleversé les pratiques des entreprises ». Selon lui, « les PME ont compris qu’elles devaient se digitaliser et passer à davantage de mobilité, accéder à leur serveur de partout et en temps réel ». Un regard partagé par Émilie Batista-Fernandes, responsable marketing bâtiment chez l’éditeur Sage, « les entreprises de bâtiment accusent encore un certain retard en matière de digitalisation par rapport à d’autres secteurs. L’année 2020 marque un tournant. Aujourd’hui, les dirigeants parlent tous de mobilité et du besoin d’échanger virtuellement ». Si les confinements successifs ont accéléré l’installation de solutions numériques de gestion, ces dernières ne répondent pas à un simple besoin de mobilité. Une solution métier ERP, est bien plus que cela : elle gère l’ensemble des processus et des fonctions d’une entreprise pour les faire collaborer entre elles. Gestion commerciale, analyse financière des affaires, gestion des achats, du stock, du planning, de la traçabilité, des non-conformités… Autant d’informations centralisées et croisées qui permettent au dirigeant d’avoir une vision précise de son entreprise en temps réel. « Les métalliers se tournent vers nous pour avoir plus de visibilité. Et ne plus être dans le constat final. Si l’ERP n’assure pas à lui seul la rentabilité des affaires, il permet d’anticiper », complète Philippe Moyret. Automatisation des process, centralisation des informations, analyse croisée des données… C’est bien de cela dont ont besoin les métalliers. « Avec la crise économique annoncée, certains entrepreneurs ont compris qu’il fallait se pencher davantage sur la commande publique. Or les marchés publics exigent un certain niveau de conformité, de suivi des réglementations et l’ERP permet aussi d’automatiser ce type de process », ajoute Émilie Batista- Fernandes.
Philippe Moyret, 2CM Manager, « les métalliers se tournent vers nous pour avoir plus de visibilité et ne plus être dans le constat final. Si l’ERP n’assure pas à lui seul la rentabilité des affaires, il permet toutefois d’anticiper ».
À CHAQUE ENTREPRISE, DES BESOINS DIVERS
Les entreprises qui disposent aujourd’hui d’un ERP avec plusieurs modules ont toutes intégré la même première brique : la gestion des devis et de la facturation. C’est la première étape. Celle qui provoque souvent un déclic chez les dirigeants. Exit les tableaux Excel, les ressaisies qui sont source d’erreur, les approximations sur les coûts de matière première… Lionel Matias dirige depuis 2003 l’entreprise A2M Proximetal basée à Saint-Aubin- de-Blaye (33), une PME de 42 collaborateurs. Il y a quelques années, cet ancien directeur d’un centre de profit chez Fayat Métal a revu ses process et intégré les modules C2M Manager pour la gestion des affaires. « Auparavant, nous gérions correctement nos devis avec des tableaux Excel, résume le dirigeant, comme tout le monde, nous ne maîtrisions pas plus de 5 % de ces fonctionnalités… L’objectif était d’avoir accès à l’historique des affaires en temps réel, d’avoir les prix des articles et de la matière au plus proche de la réalité ». Le raisonnement de Lionel Matias est le suivant : « Avec un taux de conversion de mes devis d’un sur quatre, pour réaliser mes 6 millions d’euros de CA, mes équipes doivent passer 18 millions d’euros de devis. Alors, lorsqu’on peut réagir immédiatement avec un client, avoir accès au dernier prix d’achat matière, même si celle-ci ne se réalise que dans six mois, cela fait la différence ». La force de l’ERP étant aussi de convertir automatiquement le devis en commande. Le passage se faisant automatiquement entre le CRM, outil de relation client, et la fabrication. « Cela fait gagner un temps précieux. Le client ne paye pas pour du temps de saisie, ni les erreurs de saisie », conclut Lionel Matias. Convaincu par l’outil, ce dernier a durant le confinement ajouté un nouveau module permettant de créer des ordres de fabrication pour avoir une meilleure traçabilité de la matière et une application Smartphone CM Temps pour la saisie en temps réel du personnel de chantier. Enfin, le logiciel pilote également au quotidien les achats et la gestion de stocks. Une situation analysée avec justesse par Philippe Julliard, directeur commercial chez Topsolid, éditeur de CAO-FAO et ERP, « passer au fonctionnement en ERP, c’est aussi se contraindre à revoir ou créer des procédures précises. C’est une étape presque indispensable dans la vie d’une entreprise qui veut se développer. »
Jérôme Torsiello, Socam, « nous avons intégré un module de pointage des heures des collaborateurs. Chaque opérateur pointe avec son boîtier et alimente le système. C’est rapide, il n’y pas de risque d’erreurs. »
POINTAGE DES HEURES ET GESTION DE STOCKS
Revenons à l’entreprise Socam, chez Jérôme Torsiello. Si la structure possède depuis longtemps un module de gestion d’affaires, elle est récemment passée à une étape clé en matière de digitalisation. L’intégration d’un module de pointage des heures de ses collaborateurs travaillant à l’atelier. « Une solution individualisée où chacun a son badge et sa carte afin d’éviter l’effet repoussoir de la badgeuse à l’ancienne », tient à préciser le gérant. Le cas de l’atelier est typique de l’activité de métallerie. On y travaille encore beaucoup avec du papier, avec des tableaux remplis à la main. Chaque ouvrier note ces heures, les remonte à l’administratif, qui l’intègre dans le tableur. Durant le confinement, Jérôme Torsiello est passé à un nouveau fonctionnement. « Aujourd’hui, chaque opérateur pointe avec son propre boitier et alimente directement le système. C’est rapide et il n’y plus de risque d’erreurs de saisie ». Quant à la gestion des stocks, il est désormais entièrement tracé grâce à l’ajout d’une brique supplémentaire dans 2CM Manager : la gestion des stocks. « J’ai également embauché un magasinier pour s’occuper du stock. Et grâce à un précieux travail d’inventaire réalisé en amont, nous avons découvert que celui-ci était sous-évalué de 50 % », ajoute le dirigeant.
Désormais, les stocks alimentent directement le module gestion des affaires, également entretenu par une bibliothèque de produits spécifiquement dédiés aux métalliers. La boucle est bouclée. Avec ces deux modules, le gérant a une bonne vision des coûts matière et des temps Hommes engagés sur chaque affaire.
QUEL COÛT POUR UN ERP ?
En raison de la pandémie, des mesures de soutien ont été mises en oeuvre pour encourager la digitalisation des PME. Un coup de pouce bienvenu de l’État, mais qui ne couvre pas l’investissement conséquent d’un ERP. Le coût reste variable et dépend du nombre de modules utilisés et d’accès à configurer… « Un module de pointage des heures couplé à de la gestion de planning avoisine 4 000 euros. Mais, si l’on compose un environnement complet, l’investissement grimpe facilement à 25 000 euros voire plus », précise Philipe Moyret. Tout dépend de la taille de la structure. Quant au retour sur investissement, il n’est pas seulement financier. En 2020, la mise en place d’un tel outil est aussi un moyen de fidéliser ses équipes, de recruter de nouveaux collaborateurs et à coup sûr, d’engager une réflexion de management globale à l’échelle de l’entreprise.
Lionel Matias, A2M Proximetal, « avec un taux de conversion de mes devis d’un sur quatre, mes équipes doivent passer 18 millions d’euros de devis. Lorsque l’on réagit immédiatement avec un client, ça fait la différence ».
Une aide à la digitalisation
Dans le cadre du « Plan de transformation numérique de l’industrie » annoncé en septembre 2018, le gouvernement a lancé un plan d’action pour accélérer l’adoption des technologies de l’industrie du futur dans les entreprises afin de renforcer la compétitivité de l’industrie française. Dans le cadre du « plan France relance » suite à la crise sanitaire, cette aide fiscale est transformée depuis le 24 octobre 2020 en subvention à l’investissement, élargie aux ETI. Il s’agit des logiciels de pilotage, de programmation, de suivi et les logiciels de gestion de production assistée par ordinateur. Les ERP relèvent également de cette catégorie. Selon le dossier, jusqu’à 40 % du montant de l’investissement est pris en charge.
L’ERP inadapté aux TPE ?
« L’idée de l’ERP est formidable : l’information unique, à un seul endroit et accessible à tous. C’est du vrai partage d’informations. Le concept est excellent, mais c’est la mise en oeuvre qui peut s’avérer inadaptée et inaccessible à certains. Tous les systèmes à serveur ne font pas ERP car ce dernier est construit sur une base de données relationnelle. Cela permet de faire des ratios avec de coûts horaires, relier chaque affaire à une fiche de débit et entraîner la facturation et mesurer combien coûte une affaire. Ça peut paraître évident, mais attention au temps passé à créer l’outil, remplir la base de données et au coût de l’application avec ses incidences sur l’organisation. Je suis moins convaincu de l’intérêt d’une vraie solution ERP pour les TPE. Pour les TPE il faut savoir que les gens ne passent pas 90 % de leur temps sur l’informatique mais sur les chantiers ». JACQUES MORQUIN, GÉRANT DE CAODAO.
Gros plan sur quatre ERP
Alix Développé par Info3w, le logiciel de gestion Alix est selon l’éditeur « un outil informatique conçu, par des industriels pour les industriels ». Alix s’appuie sur la base de données Oracle et permet de couvrir toutes les fonctionnalités classiques d’un ERP. En collaboration avec son partenaire FMS, l’éditeur a mis au point un module spécifique à la fabrication et à la pose de menuiseries et de fermetures.
WWW.ALIX-GESTION-ENTREPRISE.COM
Codial
Edité par Saitec, le logiciel de gestion Codial est tourné spécifiquement autour des métiers du bâtiment. Les bases de données sont par exemple reliées à Batiprix et les bibliothèques sont divisées par corps d’état. Codial existe aussi en mode production qui est une GPAO pour petites séries. Les deux peuvent être complétés par des modules comme le CRM ou des solutions de mobilité. La métallerie SNM à Mouen (14) a choisi ce logiciel.
2CMManager
Cet éditeur de Carcassonne (11) a tissé des liens étroits avec la filière métal, en plus d’être partenaire de l’Union des métalliers. On note les liens facilités de nomenclatures CAO issues de Tekla Structure, d’Autodesk Advance Steel et de Solidworks par exemple. Des outils connus des métalliers et charpentiers. Le nombre de clients métalliers est en croissance. Parmi eux, l’entreprise Perraud & Associés par exemple.
MetalContacts
Edité par Média Softs qui est connu des métalliers pour ses outils de DAO, ce logiciel de gestion est un ERP idéal pour les TPE. Devis avec catalogues de profils, contrats d’entretien, gestion de la clientèle et des fournisseurs, gestion des chantiers, planning… Tout y est pour lâcher sans grande prise de risques financiers les tableaux Excel. En plus, l’équipe basée à Vigneux-de-Bretagne est particulièrement à l’aise avec les spécificités et les questions des métalliers.