Maintenir l’employabilité !
C’est un constat largement partagé par les métalliers, quasiment une lapalissade : la qualification des salariés est jugée globalement insatisfaisante. Sont pointés du doigt depuis des décennies les cycles de formation initiale, les orientations des jeunes en échec scolaire vers les métiers dits « manuels » et la pédagogie dans les établissements de formation initiale. On remarque cependant chez nombre de dirigeants du secteur que le discours change. Non pas que le constat ait changé, mais plus par dépit. Les dirigeants ont changé leur fusil d’épaule. Ils savent qu’ils ne pourront pas inverser le sens des orientations scolaires, cela relève d’un état d’esprit sociétal qui dépasse largement leurs moyens d’action. Plutôt que de se plaindre sans rien faire, ils choisissent, pour certains d’entre eux, de « viser large » et de ne pas se focaliser dans leurs recrutements sur la perle rare, ce jeune métallier compétent et autonome, maîtrisant la conception et la fabrication. Il n’existe pas. À défaut de savoir-faire, ils cherchent un savoir être… La pénurie actuelle de main-d’œuvre qualifiée a plusieurs sources. L’une d’elles tient au fait que les entreprises ont, par le passé, insuffisamment recruté des apprentis. « Les anciens n’ont pas assez encouragé l’apprentissage ni communiqué sur le métier auprès du grand public. Si seulement 20 % des dirigeants métalliers avaient accueilli et formé au moins un apprenti il y a vingt ans, on n’en serait pas là aujourd’hui », constate amer Guénaël Nayl, jeune dirigeant de NG Métallerie à Lanouée (56). Cette situation a encouragé le recours à la formation continue. Dans le BTP, où il persiste pourtant une culture de l’apprentissage, la formation continue est un moyen non seulement de compléter les savoirs non acquis en formation initiale, mais surtout un moyen de « maintenir l’employabilité », comme on aime à le rappeler chez Constructys, l’organisme en charge du développement de la formation continue dans le BTP. Nous avons demandé à Catherine Devillaire, consultante chez Constructys, quelles pouvaient être les étapes à suivre dans le cadre d’une démarche de formation des salariés.
Titulaires du CQP Concepteur Dessinateur.
Les étapes d’un plan de formation continue
La première étape consiste à réfléchir à la stratégie de l’entreprise. L’analyse de l’environnement et l’élaboration des orientations stratégiques de la métallerie sont indispensables pour élaborer un Plan de Développement des Compétences pertinent qui portera la réussite de l’entreprise. Elles permettent d’identifier les leviers de croissance pour s’adapter au marché et/ou s’ouvrir à un nouveau marché, de recenser les évolutions techniques et technologiques du secteur et d’établir un modèle de commercialisation pour orienter les activités de façon à satisfaire le client. À ce stade, il convient de faire une cartographie des compétences en interne. Il s’agit d’analyser les écarts de compétences entre la situation actuelle des équipes et l’objectif d’évolution de l’entreprise qui permettra de recenser les compétences présentes dans l’organisation, aussi bien techniques, que compétences personnelles ou interpersonnelles, appelées « soft skills ».
Vient ensuite la nécessité de recenser les besoins de formation. Les entretiens professionnels sont l’occasion d’identifier les besoins en formation ciblés, les projets professionnels, les ambitions d’évolution et les motivations des collaborateurs pour permettre à l’ensemble de gagner en productivité et en performance.
Ce travail permet d’établir le plan de développement des compétences prévisionnel et le budget. Ce plan est un véritable outil de gestion des ressources humaines. Il regroupe l’ensemble des actions mises en place par l’entreprise pour répondre à ses besoins : renforcement des compétences, accompagnement à la transformation digitale, changements organisationnels, … Le Plan de Développement des Compétences participe également au respect des obligations professionnelles de l’employeur (adaptation des salariés à leur poste de travail, maintien de leur capacité à occuper un emploi). Il définit également les modalités souhaitées pour chaque type de formation : formation présentielle, formation à distance, formation en situation de travail, e-learning… La budgétisation du Plan de formation et l’étude d’un financement possible permettront d’orienter ses choix en termes de priorités, de contenu de formation et de modalités pédagogiques. Enfin, il s’agira de présenter ce plan au comité d’entreprise ou aux délégués du personnel pour les entreprises de moins de 50 salariés. À noter que Constructys accompagne l’entreprise dans toutes ces étapes. Mais qu’en est-il plus précisément des entreprises de métallerie ?
Une multitude de compétences exigées
La métallerie a une particularité essentielle par rapport aux autres métiers du BTP : la majorité des entreprises y conçoivent et fabriquent la plupart des ouvrages qu’elles posent dans les bâtiments ou sur la voie publique. Les compétences exigées sont nécessairement multiples et, pour certaines, exposées à une perpétuelle remise en cause. C’est le cas, par exemple, des moyens de conception, entendez les outils de CAO/DAO. Depuis quelques années la demande s’est accrue sur le plan de la formation dans l’encadrement. L’Union des métalliers a écouté cette demande. L’organisation professionnelle a ainsi créé en collaboration avec les Compagnons du devoir trois CQP (Certificats de qualification professionnelle) : CQP conducteur de travaux, de chef d’atelier et de concepteur dessinateur. « Les épreuves de CQP sont précédées d’une formation de six semaines à raison d’une semaine par mois pendant six mois. Cette formation permet une mise à niveau avant de pouvoir obtenir la certification. Nous sommes en cours de dépôt de ces CQP auprès de France Compétences pour enregistrement au RNCP (Répertoire National de la Certification Professionnelle). Une fois enregistrés, les CQP permettront à leurs titulaires l’attribution d’un niveau de qualification. Tout comme une validation des compétences et des connaissances acquises, nécessaires à l’exercice d’activités professionnelles. Les CQP seront également éligibles au CPF. », indique Aurélie Laversanne, responsable formation à l’Union. Face aux craintes des employeurs de voir leurs salariés s’absenter, il faut rappeller que certaines formations peuvent aussi se dérouler dans l’entreprise selon un planning adapté à la charge de travail du moment. Par visioconférence notamment. Le cadre s’est assoupli et est bien moins rigide qu’auparavant. Malgré cela, l’animateur des formations de CQP, Xavier Bédué, est amer : « Tout est fait pour que les entreprises aient des collaborateurs plus performants sur ces spécialités or elles ne sont pas nombreuses à nous envoyer des stagiaires ». Une exception toutefois la CAO / DAO où la demande est forte. Aussi, après les périodes de confinement la « téléformation » s’est banalisée et les éditeurs de logiciels à l’image de Trimble, Média Softs et de Topsolid l’ont bien compris. La formation y est perçue comme un service à part entière et les éditeurs poussent dans ce sens.
« En 2020, nous comptions 23 544 entreprises relevant du corps d’état métallerie, soit 3 % des entreprises du BTP. Une donnée en hausse depuis 2017. Sachant que toutes les entreprises de métallerie n’appliquent pas une convention collective BTP et sont rattachées de fait à un autre Opco. Si on défalque les entreprises de 0 salarié, on comptabilise 8 910 entreprises en 2020 contre 8 566 en 2017 », précise-t-on chez Constructys.
Se muscler sur les thématiques réglementaires
Cela représente 24 243 salariés exerçant un métier pouvant être rattaché à l’activité de métallier. Est-ce que le besoin en formation est plus élevé aujourd’hui ? Selon Catherine Devillaire, depuis 2012, et avec les réformes successives sur la formation professionnelle, « les prises en charges sont de plus en plus conditionnées. Néanmoins, on constate que le besoin en formation continue depuis 2011, reste stable. On comptabilise en 2020, 12 580 stagiaires issus d’entreprises ayant pour corps d’état la métallerie en formation continue. Avec des fluctuations entre 13 269 en 2011, 12 305 en 2015 et 12 988 en 2018 ». Il est intéressant de noter qu’en 2020, seuls 528 stagiaires, soit 4 % de l’ensemble, ont suivi une formation dans le domaine spécifique de la métallerie et de la construction métallique, un chiffre anormalement en baisse au regard des années précédentes. Cela traduit un besoin également croissant, accéléré avec la crise Covid, pour des formations qui peuvent se faire à distance et qui concernent les fonctions administratives ou commerciales. Le contexte réglementaire en changement continuel a aussi augmenté le besoin de se muscler sur les thématiques réglementaires, normatives, de certification et de sécurité.
La formation des formateurs en question
Depuis la mise en place du CPF, le compte personnel de formation, il convient de noter que « l’employeur peut demander à son salarié de mobiliser, dans un effort commun de formation, les moyens du CPF au profit de l’entreprise », souligne Catherine Devillaire. Cela relève d’un accord entre employeur et salarié. Reste que le CPF induit que le salarié se donne quelques moyens pour changer éventuellement de branche professionnelle et de prendre en main sa propre montée en compétences. Aussi l’employeur a l’obligation d’informer le salarié sur l’utilisation du CPF. On touche là du doigt une question sensible pour certains employeurs, notamment dans les TPE. La peur de perdre son salarié ou même de le voir exiger un salaire plus élevé après sa formation existe bien chez nombre d’entre eux. Il est impossible de retenir un salarié qui souhaite changer de branche, c’est son choix et il peut avoir de bonnes raisons pour cela. Or, à l’image du métallier Guillaume Lambert, certains choix peuvent devenir bénéfiques pour toutes les entreprises de la branche. « J’avais enseigné cinq ans dans l’Éducation nationale avant de revenir vers la métallerie. Puis j’ai utilisé mon CPF pour me former à la création d’un centre de formation en métallerie. J’ai fait appel à un entrepreneur qui m’a formé et il a été payé avec mon CPF ». Si seulement les entreprises de métallerie pouvaient elles-mêmes devenir formatrices sur des spécialités… Ça n’est possible qu’à la condition de répondre au référentiel qualité de Qualiopi. Une démarche qui a été engagée pour déjouer les escrocs cherchant à capter un peu de la manne du CPF. Or, ce référentiel exige de pouvoir répondre à des exigences administratives bien trop lourdes pour une TPE voire une PME. La question de la formation et de la qualification des formateurs sur certaines spécialités se pose effectivement. « Peu de formateurs vont se former, c’est une contrainte pour eux et on ne leur donne pas les moyens nécessaires, explique Xavier Bédué. Je me forme beaucoup sur le Net et auprès des entreprises que je rencontre sur les salons spécialisés. Par exemple pour les nouveaux outils de simulation, la mesure avec nuages de points et la vision 3D ».
Jan Meyer
« Ne pas oublier de revenir aux bases »
Arnaud Matuszczak, "La formation continue sert à se préparer aux métiers de demain. Cela n’empêche pas de comprendre les bases. "
« Pour la formation continue en métallerie il ne faut pas négliger quelques bases. Par exemple, en atelier maîtriser l’organisation du poste de travail. Ça n’est pas enseigné en CFA, or c’est vital pour ne pas perdre du temps à chercher l’outil qu’il faut. Comme dans un bloc opératoire, le bon outil doit toujours être replacé au même endroit. Ça vaut pour le foret comme pour la meuleuse. Dans l’enseignement, le traçage ne semble plus prioritaire. Les moyens de découpe laser ont sérieusement réduit la place du traçage. Or, savoir tracer est un plus indiscutable. La formation continue sert à se préparer aux métiers de demain. Cela n’empêche pas de comprendre les bases : comprendre comment on sert une pièce dans un étau, par exemple. Les axes X, Y et Z d’une pièce libre dans l’espace, selon comment on va la verrouiller ça revient à comprendre l’isostatisme. Il en va de même pour le contreventement, par exemple… Enfin, il y a les formateurs. Ils ne devraient pas rester quatre ans sans aller en entreprise. Ils doivent se remettre en prise avec la vie professionnelle. Les Compagnons du devoir ont une bonne base pour les formations continues et il est important de faire intervenir les employeurs et des fournisseurs comme les gammistes pour la menuiserie acier, par exemple. Aussi, après la formation, il ne faut pas laisser passer trois mois, afin de profiter tout de suite après la formation des astuces ».
Arnaud Matuszak, chargé d’affaires chez Wanecque
Devenir métallier à 44 ans
« Ébéniste d’origine, avec des connaissances dans le travail du cuir et du tressage, j’ai décidé d’effectuer une formation de métallier à l’âge de 44 ans pour élargir mes compétences, la matière m’ayant toujours attirée. Ne trouvant pas de formation dans mon secteur géographique, j’ai effectué une formation de soudeur qualifié apportant quelques notions de métallerie. Par chance, j’ai réussi à trouver un lieu de stage (dix semaines de stage étalées sur trois périodes, pour une formation de huit mois) comblant les lacunes de la formation dans une entreprise spécialisée dans la fabrication d’escaliers, garde-corps, verrières, pergolas, mobilier, etc. Le tout en acier, Inox et parfois aluminium. Cette entreprise m’a d’ailleurs recrutée par la suite en CDI, depuis près de deux ans. Tout cela pour dire que même si le temps de formation en centre est très important, le choix du lieu de stage est primordial. Il doit compléter l’instruction acquise en cours, permettre de consolider le choix de profession et s’épanouir dans sa vie professionnelle. Et surtout, il est souvent lieu d’embauche ».
Quentin Groisil
Qui paye ?
En ce qui concerne la formation initiale, il n’est pas facile de trouver des méthodes de subvention pour les études, outre l’alternance et les bourses. En revanche, pour les personnes qui optent pour une formation continue, ils ont la possibilité de lever leur CPF ou Compte personnel de formation. Ils peuvent également faire subventionner leur formation en partie ou entièrement par leurs employeurs, par Pôle Emploi ou aussi par le conseil régional ou département auquel ils sont rattachés.
Quelles modalités de formation pour les salariés ?
L’accès des salariés aux actions de formation professionnelle peut s’effectuer :
- À l’initiative de l’employeur, le cas échéant, dans le cadre d’un plan de développement des compétences.
- À l’initiative du salarié, soit en mobilisant son compte personnel de formation, dans le cadre de projets de transition professionnelle, du bilan de compétences, de la VAE, soit sur ses fonds propres dans le cadre d’un contrat de formation professionnelle.
- Dans le cadre de l’alternance, avec les contrats de professionnalisation et les contrats d’apprentissage.