La question de la sécurité est marquée par la multiplication des risques et l’apparition de nouveaux formats d’agression et d’attaque : attentats, cambriolage avec séquestration et violence physique, dégradations suivies d’incendies, intrusions sur des sites industriels… L’actualité alimente une angoisse générale qui est récurrente dans les sondages d’opinion. Le contexte réglementaire n’a cependant guère évolué alors que ce climat entraîne les professionnels de la menuiserie à rehausser d’un cran le niveau de sécurité.
Croissance d’un marché de niche
Traditionnellement dévolu aux métalliers qui travaillent l’acier, le marché de la sureté-sécurité est devenu une affaire d’industriels des portes vitrées et pleines et de quelques métalliers pour les portes d’entrée vitrées. Au fil des années, ils ont innové, développés et testés leur propre produit – parfois avec des profils de gammistes renforcés. Mais ce marché de niche connaît depuis 2008 une forte croissance et les gammistes acier et aluminium s’y intéressent. Ils s’organisent depuis 2019 et les 170 millions d’euros de dégâts selon les assureurs, suite aux mouvements des Gilets Jaunes. Ils étaient à la page sur la sécurité feu, grâce à une réglementation contraignante, leurs gammes sécurité effraction en revanche n’avaient que peu changées. Il aura fallu un contexte « d’insécurité croissante » pour voir naître de nouvelles solutions. Les attentats de 2015 ont remis sur le devant de la scène les vitrages pare-balles, les mouvements sociaux ont quant à eux remis en selle les vitrages retardateurs à l’effraction.
Les essais de résistance CR
Une des pistes est de viser des classes de sécurité supérieures contre l’effraction. On parle souvent de niveau CR3 et CR4. Un ouvrage antieffraction / intrusion classé CR est défini comme un ensemble de menuiserie (châssis ouvrant ou fixe, porte ou fenêtre) vitré ou pas. Dès qu’il y a vitrage celui-ci a nécessairement un rôle de « retardateur » à l’effraction. Sont déterminants dans le classement l’équipement du malfaiteur, son expérience, son intention ainsi que le temps qu’il a pour agir. La menuiserie est renforcée avec des plats en acier soudés ou vissés et, dès le classement CR2 les parcloses doivent être vissés dans les profils. La serrure doit avoir elle aussi un classement CR3 ou CR4 et être au minimum une 5 points. Le métallier peut, selon le niveau de sécurité demandé, souder une tôle FB6 (pare-balles) afin de réduire les chances de perçage, à condition toutefois d’obtenir l’autorisation d’achat de cette tôle balistique réservée aux sites sensibles (armée, commissariats, consulats…). Côté outillage lors des tests CR, il faut savoir qu’à chaque classe correspond une série d’outils spécifiques qui vont du tournevis, du marteau, aux coins et à la perceuse électrique sans fil (14 V) en passant par la masse et la hache.
Le PVB qui renforce le verre
Le verre est un matériau fragile, mais sa transformation en verre feuilleté avec des intercalaires PVB (polyvinyle de butyral) toujours plus performants, par exemple le PVB rigide Sentryglass Ionoplast, lui confère une grande résistance. La norme qui s’applique à leur conception détermine le choix des épaisseurs, leur organisation par rapport au sens de l’impact et surtout le choix des intercalaires, leur nombre et leur position dans ce sandwich. Et là, chaque fabricant a sa propre recette. La composition des feuilletés de sécurité « classique » répond au classement P6B à P8B, de la norme EN356. Celle-ci classe le verre feuilleté antieffraction selon sa résistance à des coups de masse et de hache, et tous les fabricants ont recours à du verre recuit et à un certain nombre d’intercalaires PVB, à l’image du fameux P6B en 44/6 (deux glaces de 4 mm assemblées avec six PVB de 0,38 mm). Mais il existe des vitrages P6B tri composant offrant une résistance supérieure en temps. Il est utile de se rapprocher des verriers pour bien concevoir son ouvrage.
Montée du polycarbonate
Certains transformateurs proposent des compositions intégrant d’autres intercalaires, des polycarbonates (entre 1 et 2 composants) qui permettent aujourd’hui de garantir non seulement des performances élevées (avec plus de 112 coups de masse et de hache) mais d’atteindre des retards à l’effraction qui avoisinent 25 minutes. Ces vitrages équipent notamment certains musées. Lorsque le vitrage isolant s’impose pour l’isolation thermique et solaire et ou visuelle, il est recommandé de positionner le feuilleté de sécurité côté intérieur. En effet, la contre face extérieure gène la pénétration, car après les premiers assauts elle se casse et retarde l’accès au feuilleté de sécurité.
Empêcher le passage d’un tournevis
La classification requise pour le vitrage dans l’échantillon d’essai « menuiserie » CR est indiquée dans le protocole. Par exemple, pour le niveau CR3 le remplissage minimum est un P5A, quand il faut un vitrage P6B pour le niveau CR4. Mais le classement P7B est indiqué pour le CR4 – porte anti-panique, par exemple. Car lors de l’essai, le vitrage ne doit pas permettre l’ouverture via une poignée ou une barre anti-panique sans condamnation. Un simple tournevis qui passe par un trou pour actionner le système peut faire échouer le test. Les préconisations des classes de vitrage ne prévalent pas sur l’essai global qui est décisif. Le protocole d’essai pour le vitrage (voir tableau 2) prévoit un certain nombre de coups de masse et de hache successifs dont le but est de créer une ouverture dans le vitrage « dit de passage d’un homme » de 400 X 400. Mais tous les vitrages ayant un classement « retardateur à l’effraction » ne se valent pas. Les points faibles sont attaqués comme les angles des vitrages au bord des profils et des feuillures pour atteindre les parcloses arrière et couper les vis afin de déchausser le vitrage.
La bonne conception est donc l’association de la résistance de la menuiserie associée à celle du vitrage pour obtenir le fameux « sésame » CR3, CR4 voire le CR5. Pour réussir à offrir toujours plus de résistance, les métalliers doivent appréhender les points faibles : la partie mécanique avec les paumelles et la serrure qui sont mises à rude épreuve lors des essais manuels (maillet-hache, pied de biche, perceuse). Leur mise en œuvre est essentielle, la visserie doit aussi être résistante, comme les platines. Il faut envisager une conception « pointue » en limitant les espaces entre l’ouvrant et le dormant, optimiser les jeux en fond de feuillure entre huisserie et vitrage afin d’éviter la pose de cales et pénétrer par déchaussement. Et bien choisir son verre…
Toujours plus performant…
Il faut aussi compter sur l’évolution des vitrages, car est-il suffisant qu’ils répondent seulement aux normes ? L’enjeu ici n’est plus de résister au simple cambrioleur, mais bien à des personnes très déterminées. La résistance des vitrages feuilletés est confrontée en réalité : jet de pavé, usage de barre à mine, barrières métalliques, poteaux divers et mobilier urbain. Devant cet arsenal, les verres doivent s’adapter. L’utilisation par les verriers d’intercalaires « spécifiques et performants » comme le Sentryglass ou des composants comme le polycarbonate permettent d’accroître la résistance mécanique sans nécessairement augmenter l’épaisseur. Parce qu’ils sont plus rigides, ils confèrent au vitrage feuilleté une propriété supplémentaire de résistance « à la fatigue ». Un polycarbonate est plus difficile à perforer, casser, couper qu’un PVB. Le vitrage tient plus longtemps aux tests. Autre atout, quand les composants verriers d’un feuilleté cassent sous l’effet des coups, le verre feuilleté ne s’affaisse plus sous son propre poids. Comme une deuxième barrière qui peut empêcher l’intrusion. Les fabricants de verre vont vers plus de résistance pour une finesse accrue. L’utilisation du vitrage de protection trempé renforcé « chimique » est privilégiée. Lors de ce procédé industriel, on plonge les vitrages dans une solution ou bain de sels de potassiums (400 °C env.) et on remplace les ions sodium présents à la surface du vitrage par des ions potassiums – dont la taille est plus grande. Au refroidissement, le verre a une « dureté » plus importante grâce à une plus forte compression. On augmente ainsi sa résistance aux chocs, à la flexion, aux chocs thermiques et aux rayures. Beaucoup plus résistant qu’un vitrage classique, il ne requiert pas d’épaisseur minimum on peut tremper un verre de 2 ou 3 mm sans déformation. Il existe encore peu de transformateurs ayant cette technologie. L’investissement est onéreux et rend ce procédé assez cher.