La métallerie se réinvente depuis des décennies grâce aux nouveaux outils proposés par le marché. Une des technologies qui lui permet aujourd’hui d’élargir son champ d’intervention est la découpe au jet d’eau. Une solution déjà mature avec pas mal d’atouts et finalement assez peu d’inconvénients.

La découpe est une étape essentielle en métallerie. On parle évidemment de découpe de tôles et de profils métalliques. Or, depuis quelques années, une partie de la profession s’est ouverte à d’autres matériaux. Logiquement, ce ne sont pas les mêmes outils qui entrent en jeu. Le jet d’eau qui est, sans contestation possible, la plus ouverte des techniques, a pris progressivement une place parmi les solutions qui s’offrent aux professionnels métalliers. Certes, c’est lent, voire très lent comparé à un laser ou un plasma. Mais quelle importance ? En métallerie la vitesse de production est relative. Ce qui compte c’est la réactivité de l’entreprise, sa capacité à concevoir des systèmes de qualité avec une pose rigoureuse. Il faut cependant veiller à ne pas laisser son stock d’abrasif à l’extérieur. S’il prend l’humidité, ce consommable peut compromettre le processus de découpe. Un nombre croissant de dirigeants cherche à réintégrer des volants d’activité qu’ils ont longtemps sous-traités. La raison ? Gagner en réactivité et ne pas être tributaires de délais de livraison non maîtrisables. Alors pourquoi choisir le jet d’eau ? Faisons le point avec quatre arguments.

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La table de découpe chez SMG à Wasselonne (67).

1. Une polyvalence imbattable

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Sébastien Geng, dirigeant de la métallerie SMG est équipé depuis 2024.

Le jet d’eau coupe quasiment tout. Du mou comme du dur… Mathieu Priat, gérant de Phenix Technologie aime dire « c’est le couteau suisse de la découpe ». Le jet d’eau est capable de couper de fines épaisseurs de textile, de matières synthétiques (des mousses) mais aussi de fortes sections (plus de 200 mm) d’acier, de verre ou de pierre. L’eau projetée à 4 000 bars de pression avec des abrasifs est extrêmement efficace. Même le bois dur, peut passer sur la table. À quoi sert cette polyvalence en métallerie ? À être autonome et à décrocher de nouveaux marchés. Par exemple, Sébastien Geng, dirigeant de SMG – Serrurerie Métallerie Geng à Wasselonne (67) s’intéresse au marché des paysagistes : « Avec cette solution nous pouvons découper des tôles Corten, du verre, du gré cérame, de la pierre, de l’Inox et toutes sortes de matériaux qui peuvent avoir une fonction de décoration ». On notera que l’on passe facilement d’un matériau à l’autre. Inutile de changer les outils entre une tôle d’acier noir, de Corten ou d’Inox. L’eau est là pour rincer la grille.

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© LDSA
Opération de découpe d'une pièce formée en titane.

2. Un coût compétitif

Prenons la découpe laser. Il faut pouvoir investir entre 300 000 et 400 000 euros pour une machine (hors fabricants chinois…). Il convient d’y ajouter la consommation de gaz, le compresseur 16 bars, le stabilisateur de courant et aussi un tarif électrique qui passe du bleu au jaune (compteurs entre 37 et 250 kVA). Le jet d’eau c’est moitié moins. Entre 150 000 euros pour une table à 3 axes et à 250 000 euros pour une solution à 5 axes. Côté consommation, il y a la possibilité de rester en tarif bleu pour l’électricité, il faut envisager un espace de 100 m2 pour la machine et le stock d’abrasif (environ 540 euros la tonne), intégrer la consommation d’eau (entre 2,5 et 4 litres/minute soit aux alentours de 2 m3 par jour) ainsi que l’extraction des boues au fond de l’appareil. « Nous avons ajouté une potence devant notre table pour la manutention et nous achetons notre abrasif pour une année, soit 5 tonnes pour avoir un tarif plus intéressant et moins de perturbations dans l’atelier », explique Sébastien Geng. Comme pour le laser il est nécessaire de former une personne qui sera dédiée à cette machine et qui en assurera l’entretien. Éric Lallemand, directeur de Comax France, va plus loin : « Le jet d’eau c’est un savoir-faire particulier. Il suppose d’avoir une personne qui se passionne pour cette technologie ».

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L'australien GMA est un fournisseur mondial d'abrasifs.
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"Le jet d’eau offre la possibilité de prendre pied sur de nouveaux marchés", Cyril Perigot, LDSA.

3. L’atout d’une coupe froide

Plasma, oxycoupage et laser créent une chauffe sur le métal. C’est connu et maîtrisé par les métalliers. Pour autant, ils n’échappent pas au fait que cette chauffe provoque un durcissement de la zone coupée ce qui contrarie, par exemple, le taraudage. Lors de la coupe sur Inox il a un effet de coloration qui, là aussi, est maîtrisé par les métalliers. Or, avec l’eau il n’y a aucune déformation ni altération moléculaire du métal. C’est pourquoi les industriels de l’aéronautique et du spatial en sont d’importants utilisateurs. Cette coupe froide permet aussi d’envisager le travail sur une tôle laquée ou recouverte d’un film. Enfin, cette technologie n’entraîne pas de dégagement de fumées, pas de scories, ni de brûlures ou d’arc dangereux pour la vue…

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© LDSA
Quelle autre technologie pour découper ainsi un motif dans un caillebotis quel que soit le matériau ?

4. l’argument choc du 5 axes

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© Pyc
« Le jet d’eau suppose d’avoir une personne qui se passionne pour cette technologie », Éric Lallemand, Comax .

Il s’agit d’une technologie mature avec deux vecteurs d’innovation. Le passage à 6 000 bars de pression en est un. « Plus de pression implique plus de vitesse et plus d’usure des pièces de la machine. Il y a eu des progrès sur les alliages qui réduisent le remplacement de ces pièces d’usure », remarque Cyril Perigot, directeur commercial France chez LDSA. Reste à savoir si les métalliers ont besoin de ce supplément de vitesse. Pas sûr. L’autre voie est celle du 5 axes. Avec une telle fonctionnalité il est possible de chanfreiner les tôles et surtout d’assurer des coupes biaises dans les plats. Pour Sébastien Geng, c’est l’argument choc : « Il y a le fait de pouvoir chanfreiner les tôles et les plats et surtout, c’est déterminant pour les poteaux de garde-corps rampants. Un trou en biais dans un plat d’Inox permet d’y glisser avec précision les lisses ». Du gain de temps et d’esthétique. Éric Lallemand, précise qu’une tête 5 axes « pourra être ajoutée sur une machine 3 axes ». Selon lui, « il n’est pas forcément judicieux d’avoir une 5 axes si l’on ne s’en sert pas constamment ».

Peut-on dire que la métallerie qui n’aurait pas sa table de découpe au jet d’eau est en retard ? Certainement pas. Mathieu Priat qui commercialise du laser, du plasma, de l’oxycoupage et du jet d’eau, estime qu’il n’y a pas une solution qui soit meilleure. « Tout dépend de la taille de l’entreprise, de ses moyens et de ses marchés. Selon l’orientation stratégique du métallier nous lui conseillerons plutôt une technologie de coupe qu’une autre ». Pour Cyril Perigot dont l’entreprise conçoit et assemble uniquement des tables de découpe au jet d’eau, l’équation est simple : « Les métalliers constituent une clientèle importante. Ils sont nombreux à remplacer leur table plasma par du jet d’eau et ils cherchent à prendre pied sur de nouveaux marchés sans recourir à la sous-traitance de fabrication ». C’est le moment de se jeter à l’eau…

Prendre en compte le facteur temps

Le jet d’eau est lent. Alors faut-il le faire travailler la nuit pour compenser ? Ce n’est pas toujours évident. En cas de collision de pièces ou si le canon casse, la machine s’arrête automatiquement. Sébastien Geng de la métallerie SMG recommande pour le travail de nuit de choisir « un programme basique sur une tôle épaisse, ça réduit le risque de retournement de pièces ». L’astuce pour éviter ce désagrément est de laisser de fins points d’attache pour que les pièces restent accrochées au squelette. Chez SMG, l’équipe est satisfaite de la machine 5 axes Flow Waterjet qui est en place depuis un an. « Il faut cependant prendre en compte le facteur temps et ça peut être délicat pour les grosses séries. Nous veillons à nous organiser en conséquence. C’est parfois compliqué de définir les heures de travail pour les devis ». Sur ce terrain aussi, notons que certains logiciels des fabricants de machines offrent la possibilité de sortir un temps de coupe avec ou sans les heures des opérateurs.