Les contours encore flous de la REP
La Responsabilité élargie du producteur « Produits et matériaux de construction du bâtiment » (REP PMCB) est en vigueur depuis le 1er janvier. La filière est donc supposée pouvoir s’organiser et respecter les exigences définies dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (AGEC) du 10 février 2020. Celle-ci impose la mise en place d’actions pour éviter les dépôts sauvages des déchets du bâtiment (100 000 tonnes par an selon la Federec) via leur reprise sans frais et la densification du maillage des points de collecte. L’atteinte de cet objectif est conditionnée au développement des filières de réemploi et de recyclage ainsi qu’à une meilleure traçabilité du devenir des déchets.
Les définitions relatives à la REP PMCB sont précisées dans le décret n° 2021-1941 du 31 décembre 2021. Sont ainsi visés « les produits et matériaux, y compris les revêtements de murs, sols et plafonds, qui sont destinés à être incorporés, installés ou assemblés de façon permanente dans un bâtiment ou utilisés pour les aménagements liés à son usage situés sur son terrain d’assiette ». Les familles de produits et matériaux concernées sont répertoriées et listées en deux catégories : celles constituées majoritairement de minéraux ne contenant ni verre, ni laines minérales ou plâtre et les autres produits et matériaux de construction. Quant aux déchets du bâtiment, « ils sont issus des produits ou matériaux de construction du secteur du bâtiment qui sont produits lors des opérations de construction, de rénovation, d’entretien ou de démolition d’un bâtiment et des aménagements liés à son usage ».
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Sans doute que la démolition des constructions va devoir être réinventée à l'avenir...
Pollueur-payeur
La REP PMCB, comme toutes REP, suit le principe du pollueur-payeur. Elle s’applique aux « metteurs sur le marché » des produits et matériaux de construction, c’est-à-dire les personnes morales ou physiques fabriquant ou faisant fabriquer sous leur propre nom ou leur propre marque. Les industriels du bâtiment, les importateurs, ainsi que les distributeurs se verront donc dans l’obligation d’organiser la prévention et la gestion des déchets issus de leurs produits et matériaux en fin de vie. Pour cela, deux solutions : ils peuvent les prendre en charge eux-mêmes ou les déléguer à un éco-organisme agréé par l’État. En y adhérant, le metteur sur le marché lui transfère ses responsabilités en la matière. Ils sont quatre à avoir reçu le sésame : Valobat, Valdelia, Ecominéro et Ecomaison. Leurs missions : assurer la reprise gratuite, augmenter les taux de recyclage et de valorisation des déchets du bâtiment, développer le réemploi et l’éco-conception.
Pour financer ces actions, les adhérents leur versent une éco-contribution sur chacun des produits et matériaux mis sur le marché. Leurs montants sont propres à chaque structure et ont été définis en fonction des caractéristiques des matériaux, de leur recyclabilité, de la maturité des filières… Les éco-organismes sont soumis à une obligation de résultat avec des objectifs précis. Ces derniers distinguent, pour chacune des catégories de déchets, les taux de collectes recyclés et valorisés. Évolutifs, ils affichent un premier palier en 2024 qui se durcit en 2027.
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Réussir le tri des déchets sur chantiers va représenter un défi considérable pour les entreprises.
Agréments et barèmes
Les ambitions de la REP PMCB sont louables. Sa mise en pratique cependant interroge. Si les industriels et les distributeurs sont en première ligne, c’est bien toute une filière qui va devoir s’y adapter. En effet, la reprise gratuite des déchets est conditionnée à une exigence : le tri à la source, soit, sur chantier. Une tâche qui revient aux entreprises de pose. Ces dernières sont rodées à l’exercice mais les conditions vont radicalement changer dans des délais très courts. « Lors des discussions avec les pouvoirs publics, nous avions demandé à être informés des tenants et des aboutissants de la REP au moins neuf mois avant son application, déplore Jean Passini, président de la commission « environnement et construction durable » de la FFB. Les agréments et les barèmes n’ont été publiés que début octobre. Il ne nous reste donc plus que deux mois et demi pour nous approprier ces nouvelles règles. » Et de nombreuses questions, financières et organisationnelles, restent encore sans réponse.
Ce que l’on sait à ce jour, c’est que les metteurs sur le marché doivent choisir un éco-organisme. Les montants devraient, dans la grande majorité des cas, être additionnés au prix de vente du produit. Certains sont proches de 0 lorsque la filière de récupération et de recyclage est déjà mature comme c’est le cas pour l’ensemble des métaux et l’acier en particulier. « Les produits de nos adhérents ont dans leur très grande majorité, une fin de vie vertueuse », rappelle Valérie Prudor, déléguée générale de l’Enveloppe métallique du bâtiment (EMB).
Bien que non obligatoire réglementairement, les éco-organismes ont fait le choix d’imposer contractuellement aux metteurs sur le marché de les mentionner clairement sur les factures. En revanche, rien d’obligatoire pour les autres maillons de la chaîne, obscurcissant de fait leur calcul et leur montant. À l’heure où les prix des matières premières et de l’énergie avoisinent déjà des sommets, la question de qui va payer au final est sur toutes les lèvres. « Personne, vu que la reprise des déchets autrefois payante devient gratuite ! », rappellent en cœur les éco-organismes. À la FFB, on est plus nuancé : « Les entreprises vont certes faire une économie mais elle ne devrait pas compenser à terme, la totalité de l’éco-contribution », souligne Jean Passini. Ce sera d’autant plus le cas dans le neuf qui ne génère que peu de déchets pour beaucoup de produits mis en œuvre (et donc d’éco-contributions payées) contrairement aux chantiers de rénovation dont les économies réalisées sur la reprise des matériaux déposés compenseront les éco-contributions versées sur les produits neufs. Et quid des marchés devisés avant le 1er janvier 2023, donc sans répercussion de l’éco-contribution mais facturé après ? La note risque, dans un premier temps au moins, d’être salée. À terme, une éco-modulation devrait être progressivement mise en place. Elles avantageront les produits et matériaux intégrant un certain seuil d’éco-conception : constituants facilement démontables pour améliorer la qualité du tri, recyclabilité, intégration de matériaux recyclés dans les process de fabrication, opportunités de réemploi…
L’autre grande inconnue, c’est le terrain. Comment le tri, la collecte, le stockage, le recyclage vont-ils se dérouler ?
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Trier à la source les déchets est une opération globalement bien maîtrisée par les métalliers.
La délicate mise en pratique
Au début de la chaîne sont les entreprises. « Pour bénéficier de la reprise gratuite, c’est à elles que revient la charge du tri des déchets sur chantier. Si elles font appel à un prestataire, c’est lui qui en bénéficiera », insiste le président de la commission développement durable. L’opération n’est pas nouvelle mais elle n’a jamais pris une telle ampleur. Combien de bennes et de big bags supplémentaires sur site ? Où acheminer les déchets ? Quelles règles de tri ? « Il est impératif que les entreprises bénéficient d’un mode opératoire systématisé commun à tous les éco-organismes », ajoute Jean Passini. Cela devrait être chose faite selon les intéressés : « Un éco-organisme coordonnateur veillera au respect de l’harmonisation des pratiques », rappelle Arnaud Humbert-Droz, président exécutif de Valdelia. Si tout se passe comme prévu, il ne devrait alors rester à la charge de l’entreprise que le transport de ces déchets. Un poste qui pourrait, lui aussi être au moins en partie pris en charge par les éco-organismes.
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"Nous avions demandé à être informés des tenants et des aboutissants de la REP au moins neuf mois avant son application", Jean Passini, FFB.
Quel maillage ?
En attendant l’urgence est au développement du maillage des points de reprise. La REP en impose un tous les 10 ou 20 km selon la densité démographique de la zone. Or, à ce jour, ce réseau n’existe pas et les éco-organismes sont à pied d’œuvre pour en augmenter le nombre, soit en contractualisant avec les déchetteries publiques et privées actuellement en mesure de prendre en charge ces nouveaux volumes de déchets, soit en créant de nouveaux sites adaptés. Ces points de reprise bénéficient d’un financement via la REP, ce qui n’est pas le cas des opérateurs de gestion des déchets.
Ce qui paraît simple en théorie se révèle encore une fois plus complexe à appliquer en raison du flou qui accompagne le rôle de chacun. Ainsi, avec la REP, les distributeurs sont soumis à une obligation de reprise des déchets lorsque leur surface de vente et de stockage est supérieure à 4 000 m². Cette exigence inquiète Franck Bernigaud, ancien président de la Fédération des distributeurs de matériaux de construction (FDMC) : « Se pose tout d’abord la question du foncier disponible sur les sites. Le risque de manque à gagner est réel car les zones dédiées au stockage des déchets grignoteront fatalement sur les espaces de vente. De plus, serons-nous considérés comme point de reprise ou comme opérateur de gestion ? De ce statut dépend le soutien des éco-organismes. Nous ne pouvons pas, aujourd’hui, évaluer le coût réel de la REP sur nos activités. » D’autant plus que pour certains déjà impliqués, ce service était une source de revenus qui, avec la reprise gratuite, va de facto disparaître.
Attention au tri
Pour les entreprises, il s’agit de vérifier dès à présent si leur prestataire actuel sera bien partenaire des éco-organismes. À noter qu’une reprise sur chantier devrait également être progressivement proposée en fonction des volumes à récupérer. Gare également à l’erreur de la qualité du tri dépendant la gratuité. Par exemple, la laine de verre et la laine de roche ne doivent pas être mélangées… Les volontés sont là. La filière a conscience de l’importance de la réussite de la mise en place de la REP PMCB. Néanmoins, pour ne pas transformer la valorisation des déchets en usine à gaz avec ses gagnants et ses perdants, les retours d’expérience devront permettre de préciser et d’adapter les règles si nécessaire. Le rôle des éco-organismes est ici majeur grâce notamment aux nombreuses études et analyses que leur impose le cahier des charges les concernant.