Les logiciels de bilan carbone se sont grandement multipliés ces dernières années. © Carbo
Les logiciels de bilan carbone se sont grandement multipliés ces dernières années.
La chasse aux émissions carbone est ouverte. Le secteur du bâtiment serait responsable de 40 % de ces émissions, c’est dire l’importance du sujet. Les entreprises sont encouragées à réaliser le bilan carbone de leurs activités. Soit pour satisfaire à la réglementation, soit pour conserver un avantage concurrentiel sur les appels d’offres. Voire les deux…

De nouveaux outils pour évaluer son empreinte carbone

Il n’y a pas de doute, les émissions de gaz à effets de serre sont dans le viseur des gouvernants. Il y avait déjà la RE 2020 qui impose des seuils d’émission de carbone des bâtiments ce qui a nécessairement un impact sur leur conception et leur construction. Les choses vont plus loin. La réglementation impose désormais aux entreprises de plus de 500 salariés, de procéder tous les quatre ans à un calcul simplifié de leurs émissions en GES (gaz à effet de serre). C’est une incitation sérieuse à changer les habitudes. Un autre levier qui devrait encourager les entreprises, dont les PME, à réaliser un bilan carbone est que, sur certains chantiers, la maîtrise d’ouvrage leur demande de présenter leur démarche environnementale. Enfin, l’évaluation de l’empreinte carbone, y compris de manière non réglementaire (par opposition à un bilan certifié), aide une entreprise à définir une stratégie d’économies d’énergie et à mettre en place des actions de réduction de ses émissions. Pour réaliser un bilan réglementaire, il est possible de s’adresser à des consultants extérieurs habilités par l’Ademe, c’est notamment le cas du CTICM, le centre technique des entreprises de la construction métallique. Celui-ci propose une offre de prestations en quatre temps dédiée au secteur de la construction métallique. Le centre accompagne l’entreprise pour la demande de subventions auprès de l’Ademe et évalue le bilan carbone de son activité globale ou pour un chantier en particulier. Pour une évaluation non réglementaire une voie envisageable est de se former en interne à l’utilisation d’une solution logicielle. Ainsi, la FFB propose un outil en ligne sur son site, BatiCarbone, qui permet aux TPE-PME du bâtiment de réaliser le bilan carbone de leur activité ou liée à un chantier. Cet outil s’appuie sur la méthode de l’Ademe et exploite les informations de la base de données INIES qui comprend les fameuses FDES (Fiche de déclaration environnementale et sanitaire).

De l’action pour les métalliers

De son côté, l’Union des métalliers au travers de son GT Environnement et en concertation avec la FFB, a développé un outil numérique (Métallerie Bas Carbone) destiné aux entreprises du secteur désireuses de réaliser un bilan carbone dit, « non réglementaire ». « Des informations financières sont renseignées dans l’outil comme les achats en matières premières (acier, verre, aluminium, etc.), les factures d’énergie, d’eau, de fluides… ainsi que les transports, ceux des fournisseurs et ceux pour se rendre sur les chantiers. Un autre poste à renseigner est celui des déchets qu’il faut trier et valoriser. L’outil sait transformer les données financières du compte de charges type 600, par exemple, en tonnage d’acier. Un avantage est que dès les premières informations rentrées, des propositions d’actions de réduction des GES sont automatiquement proposées. Au fur et à mesure que l’outil est renseigné, de nouvelles actions sont proposées », décrit Jonathan Barreau, délégué général adjoint et responsable technique de l’Union des métalliers. Par exemple, lorsqu’un tonnage en acier acheté est renseigné avec sa provenance en France, en Europe, ou Hors Europe, des propositions d’actions sont faites comme acheter en France ou privilégier de l’acier décarboné, diminuer la matière utilisée ou remplacer l’acier par un autre matériau. Le logiciel est disponible et opérationnel depuis la fin de l’année 2022 sur le site de la FFB et réservé aux adhérents de l’organisation professionnelle. « Cet outil est concentré sur les informations venant des achats et des consommations qui sont spécifiques à nos métiers, comme l’acier, l’aluminium ou l’Inox, le plastique ou le verre mais pas le béton. Il inclut de la sous-traitance de type galvanisation, peinture, les différentes consommations d’énergie (électricité, gaz propane, etc.), les fluides frigorigènes pour les machines, le transport sur vente ou spécifiques, et différents types de déchets », ajoute Jonathan Barreau. Avec le renforcement des réglementations environnementales comme la RE2020 ou la REP, toute action de réduction de l’impact carbone engagée par l’entreprise peut avoir un impact favorable dans le cadre d’une démarche RSE ou pour répondre à une demande sur un chantier.

La panoplie des solutions logicielles disponibles pour réaliser un bilan carbone non réglementaire de son activité n’a eu de cesse de s’étoffer.

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© Toovalu

La multiplication des outils

Plusieurs start-up veulent démocratiser le bilan carbone à l’exemple de Carbo créée en 2019 ou Traace et Sami, toutes deux créées en 2020. Parmi les éditeurs installés, se trouve Toovalu, une entreprise créée en 2012 à Nantes et qui a développé un logiciel de pilotage « RSE et climat » qui intègre un calcul de l’empreinte carbone. L’éditeur met en avant plusieurs références chez les métalliers comme MXT, un sous-traitant de Manitou qui fait des fourches de tracteurs, ainsi que trois grands groupes qui font du reporting RSE, Cetih, Herige et SFPI. « Ces groupes faisaient des fiches FDES mais le climat n’était pas encore leur priorité. Ces dernières années, les industriels ont structuré une stratégie climat et ont commencé à déployer et à systématiser une démarche carbone auprès de leurs filiales et de leurs fournisseurs. D’autant que plus des deux tiers des impacts carbone sont générés en amont chez les fournisseurs de matériaux. Les indicateurs climat sont intégrés dans la politique d’achat, créant un phénomène de cascade du calcul du bilan carbone des grands groupes vers leurs fournisseurs », assure Marie Gaborit, P.-D.G. de Toovalu. L’éditeur accompagne les grands groupes sur le déploiement de leur stratégie Climat auprès des fournisseurs, avec une méthodologie de mesure de l’empreinte carbone, de recommandations, de la formation et des outils. Actuellement, les méthodes sont encore hétéroclites et il n’y a pas de certification, juste un audit. Pourtant la transparence est nécessaire pour savoir comment le bilan carbone a été réalisé. « Les petits acteurs passent par Diag Décarbon’Action ou par un consultant classique. Pour les entreprises de moins de 50 personnes, nous leur offrons l’outil pour toute formation à leur première empreinte carbone, organisée en quatre demi-journées en distanciel. L’idée est de mobiliser l’entreprise autour d’une démarche d’apprentissage », complète Marie Gaborit. L’outil disponible en ligne permet d’importer un fichier Excel du compte de charges type 600 (ou 650) de l’entreprise pour simplifier la collecte de données, mais n’est pas automatisable car ces comptes ne sont pas standardisés. Les entreprises en première étape peuvent convertir leur comptabilité en euros en tonnes de CO2, et pour aller plus loin viennent ensuite préciser le type d’acier ou d’aluminium. Des informations standards d’émissions carbone sont disponibles au travers des FDES sur le site INIES. Si le premier poste est l’achat de matière première, les traitements de surface des métaux sont aussi énergivores, comme la galvanisation et le thermolaquage… Le cas des substances chimiques utilisées dans le secteur interroge tant il n’est pas facile d’évaluer leur empreinte environnementale. Parmi les références de l’éditeur figurent les entreprises qui sont intervenues sur le chantier du MIN (Marché d’intérêt national) de Nantes et qui devaient faire leur bilan carbone sur demande de la maîtrise d’ouvrage comme Acieo ou Sofradi pour les façades et fenêtres aluminium.

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Les métalliers, ici Lesueur à Louviers (27), gagne à s'engager dans une démarche environnementale visible des clients.

Complémentaires aux logiciels d’ACV réglementaires

Ces outils d’évaluation du bilan carbone des activités d’une entreprise, sont à distinguer des logiciels de calcul réglementaire de l’analyse du cycle de vie (ACV) produits ou chantier, qui savent mesurer l’impact environnemental dont l’empreinte carbone. La rédaction des fiches PEP (Profil environnemental produit) et FDES demande en effet de réaliser une ACV des matériaux et équipements de construction avec des outils comme OpenLCA, Simapro distribué en France par Evea, One Click LCA (ex Bionova) ou EIME du Bureau Veritas. Une fois certifiées et publiées sur le site INIES, les fiches collectives ou individuelles servent de base pour le calcul d’ACV chantier et bâtiment qui fait appel à d’autres logiciels spécialisés comme Élodie (CSTB), Pleiades (Izuba énergie) ou ArchiWizard (Graitec). Typiquement à partir d’une maquette numérique d’un bâtiment, Archiwizard effectue le calcul réglementaire du bilan carbone évalué en intégrant la production et le transport des matériaux, l’usage du bâtiment en phase exploitation, et sa fin de vie, soit l’ensemble du cycle de vie. « Un tel outil permet à la fois d’optimiser la performance dès la conception et de valider les seuils réglementaires du bâtiment, aussi bien en thermique, en énergie, qu’en environnement. L’usage d’une maquette BIM permet de gagner en productivité, de faire des calculs pour comparer des variantes et des scénarios, par exemple en visualisant l’impact carbone en temps réel d’un changement de béton », décrit Thomas Brayé, Sustainability Solution Line Director chez Graitec. Les données environnementales peuvent être importées dans ArchiWizard à partir des fiches FDES de la base INIES. Par exemple, pour un garde-corps, il est possible d’utiliser une fiche par défaut, collective ou individuelle. En fonction du linéaire ou du nombre d’unités d’un produit ou d’un équipement, le bilan environnemental va être mis à jour, aidant à faire le bon choix de matériaux dès la conception. « Nous avons en développement l’intégration de ces calculs dans d’autres de nos logiciels comme Advance Design, pour évaluer automatiquement le bilan carbone d’une structure. Ces calculs non réglementaires, vont porter dans un premier temps uniquement sur la première phase du cycle. Pour une construction plus responsable, outre l’efficacité énergétique, l’impact carbone des matériaux utilisés est un des éléments importants du choix structurel et architectural d’un bâtiment », défend Thomas Brayé.

Industrie : Trois filières concentrent 70 % des émissions

Les émissions de GES de l’industrie française ont reflué de 42 % entre 2000 et 2021 à 80,8 millions de tonnes d’équivalent carbone (Mt de CO2e). Un résultat à attribuer à la désindustrialisation du pays et le transfert à l’étranger d’activités polluantes. Les principaux secteurs émetteurs de GES sont la métallurgie (25 %), la filière des minéraux non métalliques (ciment, verre… 23 %) et la chimie (23 % hors raffinage). Ces trois secteurs font l’objet de feuilles de route de décarbonation à l’horizon 2030 avec un recul attendu de respectivement 6 Mt de CO2, 4,5 Mt et au moins 2,3 Mt. Avec l’industrie agroalimentaire (11 %), ces quatre secteurs concentrent 80 % des émissions de GES de l’Hexagone. Ce sont donc en toute logique ceux qui présentent les plus importantes opportunités d’affaires pour les acteurs de la décarbonation, en particulier pour les solutions les plus lourdes (hydrogène vert, biomasse, captage du CO2…). Dans la métallurgie, les leviers privilégiés sont la hausse du taux de recyclage, les nouveaux procédés de production (réduction directe à hydrogène…) et le captage du CO2. Concernant les produits minéraux non métalliques, les cimentiers activeront la chaleur bas carbone notamment tandis que les verriers accéléreront leur transition vers des fours électriques.

(Source : Xerfi oct. 2022)

Les économies d’énergie sont de rigueur

Entre intensification du dérèglement climatique et menace de rationnement de cet hiver dû au conflit en Ukraine, le gouvernement a présenté 15 mesures pour inciter les entreprises à réduire de 10 % leur consommation en énergie. Il convient d’analyser chaque poste de dépense et de prendre des actions pour les réduire. Le baromètre de la CGE menée par OpinionWay et la CCI, publiés dans La Tribune, indique que 74 % des 600 dirigeants interrogés n’ont pas prévu de diminuer leur consommation énergétique. Selon l’Ademe, 70 % de la consommation énergétique liée à l’éclairage peut être économisée. Installation de détecteurs de mouvements, de systèmes de GTB, emploi de lampe à Leds à… autant de solutions qui permettent, de réduire les consommations. Comme éteindre la lumière quand un espace est vide, éteindre les ordinateurs et les imprimantes pendant la pause du midi et le soir, ou encore réduire l’utilisation d’eau chaude des sanitaires. Autre poste de consommation : le chauffage. Surchauffer des espaces, ou faciliter la déperdition de chaleur contribuent à cette surconsommation. Selon l’Ademe, la température idéale est comprise entre 19 et 21 degrés. Baisser la température de 1 degré permet d’économiser entre 5 et 10 % d’énergie. Fermer les portes pour éviter les déperditions de chaleur, baisser le chauffage lors de la sortie des locaux, fermer les accès aux espaces non-chauffés… (Source : M2DG)

Quelles pistes de réduction des émissions ?

- Réduire sa consommation d’énergie.

- Privilégier autant que possible le réemploi.

- Maîtriser au plus près les déplacements en véhicule thermique.

- Concevoir avec des matériaux bas carbone, voire biosourcés.

- Orienter ses achats sur des produits moins impactant.

- Adapter sa flotte de véhicules en intégrant des VU hybrides ou électriques.

- Privilégier les solutions low tech.

- Trier correctement les déchets.

- Éclairage Leds dans les ateliers…

BatiCarbone de la FFB, à destination des TPE et PME

BatiCarbone est un outil en ligne de la FFB qui permet aux TPE-PME du bâtiment de réaliser, de façon personnalisée, des bilans carbone, soit de manière volontaire pour suivre ses émissions et progresser, soit en réponse à des demandes de maîtres d’ouvrage. Conçu en collaboration avec le bureau d’études Carbone 4, il s’appuie sur la méthode du Bilan Carbone® de l’Ademe et sur la base de données INIES pour calculer les émissions de gaz à effet de serre liées à vos chantiers ou à l’activité de votre entreprise. Dans leurs appels d’offres, les maîtres d’ouvrage sont de plus en plus exigeants sur les critères environnementaux demandés aux entreprises et notamment sur l’évaluation de l’empreinte carbone du chantier ou des activités de l’entreprise. En répondant au « doigt mouillé », vous risquez de ne pas fournir un document conforme aux attentes du client et en sous-traitant à un bureau d’études expert, vous investissez dans une prestation sans être certain d’obtenir le marché en retour.

www.ffbatiment.fr