Dans ce site boisé, le pavillon de la Tunisie est une restauration étincelante.
C’est un endroit qui semble oublié des Parisiens, boudé même. À l’est du Bois de Vincennes, côté Nogent-sur-Marne, à quelques encâblures du Pavillon Baltard, ultime vestige du « ventre de Paris », se trouve le Jardin d’agronomie tropicale. Il occupe ici une surface de plus de six hectares sur laquelle sont installés le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) et les pavillons dédiés aux pays colonisés par la France. Ils sont les traces d’une époque qui glorifiait l’empire colonial lors de grandes expositions dont celle de 1907. C’était notamment l’occasion de mettre en avant les particularités des architectures locales. Ces pavillons offraient ainsi aux visiteurs une immersion dans des cultures et des modes de vie forcément inédits pour eux. Or, avec les années, ces constructions ont été délaissées, vandalisées et même détruites pour certaines par des incendies criminels. Il y a sans doute une gêne des institutions publiques et du monde politique en général à enclencher un sérieux plan de sauvegarde pour réhabiliter quelques-unes des pages d’une histoire considérée par eux comme « honteuse ».
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Les menuiseries aluminium ont remplacé les anciens châssis en fers T et cornières.
Le Pavillon de la Tunisie était à l’abandon depuis 1990. Il aura fallu la détermination d’un franco-tunisien, Azdine Ben Yacoub, président de l’association Carthage, pour attirer l’attention et lever les fonds nécessaires à la remise en éclat de cet édifice original et accueillant d’à peine 200 m2. « Le terme exposition coloniale ça fait peur, c’est le synonyme de l’hégémonie de la France sur ses colonies, c’est justement pour cela qu’il faut en raconter l’histoire. Aujourd’hui, ce pavillon pourra être le lieu de la rencontre entre l’histoire et la culture de nos deux pays », soutenait-il en 2021 lors de l’inauguration à nos confrères du Parisien. Les travaux orchestrés par l’agence d’architecture Atelier Aconcept ont été financés à hauteur de 2 millions d’euros par la région Île-de-France.
© Atelier Aconcept
Le bâtiment avant le démarrage des travaux.
Un accès facilité
Lorsque les architectes entreprennent la phase travaux, ce bâtiment en croix dont le centre est surplombé d’un dôme partiellement ajouré, était en triste état. La toiture était très endommagée, les murs dégradés, les menuiseries d’origine en fer T et cornière portaient des vitrages brisés… Il a fallu curer et refaire l’ensemble afin de pouvoir y accueillir un restaurant, des cuisines, des bureaux et une salle de réunion. Si l’accès sur le site pouvait paraître facile aux entreprises, elles devaient cependant veiller à ne pas endommager les plantes du jardin et assurer une remise en état des espaces verts après leur départ. « Les façades d’un blanc immaculé du Pavillon de la Tunisie, au plan en croix, ont retrouvé leur splendeur. La pièce centrale accessible depuis le hall, espace phare du bâtiment avec sa coupole en bois surmontée d’un épi en forme de lune, offre à l’ouvrage un caractère majestueux. Cet espace est réhabilité afin que les visiteurs puissent profiter au maximum de l’aménagement et de la lumière zénithale du dôme totalement remis à neuf », lit-on dans le dossier de l’agence d’architecture. Si la lumière est omniprésente dans ce pavillon à l’image du pays qu’il représente, on le doit aux grandes baies vitrées sur toutes les façades.
Châssis classiques avec sérigraphie
Les nouvelles menuiseries sont en profils d’aluminium (gamme Installux) avec une trame proche de celle d’origine. Les portes d’entrée sont quant à elles en acier (gamme Hermetic 70 de RP Technik). « Ce sont des châssis somme toute plutôt classiques que nous avons conçus, fabriqué et mis en œuvre sur ce chantier », note Cyril Breuzard, dirigeant de l’entreprise de métallerie du même nom. L’originalité et la principale contrainte reposent sur la sérigraphie apposée sur certains des vitrages. « Il y avait à l’origine un sol en carreaux de ciment avec un motif végétal un peu orientalisant que les architectes souhaitaient retrouver sur les parois vitrées », se souvient Valéry Pelletier, dessinateur chez Breuzard. Une fois numérisée et après définition des teintes RAL, la sérigraphie a été finalisée par le verrier AGC. L’entreprise de métallerie basée à Corbeil-Essonnes (91) a aussi réalisé et posé les châssis de désenfumage placés dans le dôme qui a été entièrement refait en bois comme à l’origine avant d’être recouvert de zinc.
© Atelier Aconcept
Le sol était à l'origine recouvert d'un carreau de ciment au motif floral.
Le carreau de ciment une fois numérisé avant d'être envoyé au verrier pour la sérigraphie.
Aujourd’hui, le Pavillon de Tunisie, véritable monument historique, contraste par son éclat avec les pavillons voisins qui attendent désespérément un geste de sauvegarde. On pense aussi aux merveilleuses serres anciennes à proximité qui, malgré la présence d’une ferme urbaine plutôt dynamique, n’ont pas encore trouvé une ligne de crédit, voire un mécène, pour être remises en état. À l’heure où nombre d’élus se parent d’engagements écologiques et vertueux, il y a là un joli terrain à exploiter pour un coût relativement faible…
Les intervenants
- Maître d’ouvrage : Cirad
- Maître d’œuvre : Atelier Aconcept, architectes
- BE Structure : Lamalle
- Menuiseries : Métallerie Breuzard
Métallerie Breuzard, une métallerie familiale
La métallerie Breuzard est installée à Corbeil depuis ses débuts en 1935. A l’époque le grand-père de Cyril Breuzard, actuel dirigeant, était maréchal-ferrant. André Breuzard, père de Cyril avait repris en 1978. C’est en 1984 que l’entreprise qui a compté jusque 40 salariés, s’installe à deux pas du quartier des Tarterêts dans une ancienne tuilerie. Il y a cinq ans, ce site a été entièrement rénové et mis au goût du jour coté déco et agencement des bureaux. Nous y reviendrons dans un prochain numéro.