
Le nom de l’entreprise interpelle. Il s’affiche en grosses lettres sur le fronton de cet ancien hangar agricole. Et il en dit long sur l’état d’esprit du maître des lieux. Cyril Théophile, dirigeant de Faut le fer à Bouillargues, un bourg au sud de Nîmes, a le rire facile. Cet ancien rugbyman à l’accent gardois bien trempé, a créé son entreprise à l’âge de 24 ans. Ses parents, un père chef de chantier et une mère responsable d’une maison de retraite, auraient voulu qu’il poursuive des études supérieures, d’autant qu’il en avait les capacités. « J’en avais assez de l’école. J’ai découvert la ferronnerie dans un Lycée d’enseignement professionnel et j’ai eu le coup de foudre ». Deux enseignants le marqueront particulièrement : Daniel Bailly et Christian Martinez qu’il qualifie de « merveilleux ». Notre homme fonctionne à l’enthousiasme et ça lui a plutôt réussi. Il a su convaincre sa compagne Carole Clavel à le rejoindre dans l’aventure. De l’atelier de 60 m2 dans le centre de Nîmes, l’équipe déménage vers ce hangar de 400 m2 à Bouillargues. Sa compagne, mère d’un de ses fils, dont il est séparé, est revenue travailler pour Aciero Métallerie. Elle est en charge de l’organisation logistique et administrative. Car justement, l’organisation est ici un peu particulière.
Pour faire court, Faut le Fer est une affaire familiale. Les deux fils de Cyril, Steven, 27 ans, et Thomas, 21 ans, ont passé leur CAP et BP en métallerie avant de rejoindre l’entreprise.

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Les tables de soudage sont une acquisition récente.
Une holding est à venir
On retrouve aussi une filleule en stage et un cousin à l’atelier. C’est là que l’idée est venue de créer une autre société dans les murs de Faut le Fer. Aciero Métallerie est entre les mains des fils, une holding est à venir. « C’est une question d’appropriation par les jeunes et de contrats d’assurance. On n’assure pas au même niveau une pièce de ferronnerie pour un monument ancien qu’un ouvrage de métallerie courante », souligne Carole. Cyril admet quant à lui ne « rien connaître à la métallerie », son terrain à lui c’est la ferronnerie d’art et il s’y exprime avec aisance. Tout comme il a réussi à s’entourer d’une équipe d’indépendants doués et réactifs présents dans le Gard et en région parisienne. « Nous sommes une petite structure de quatre permanents qui peut en moins d’une semaine passer à treize personnes ultra-compétentes ». Réagir vite avec une équipe solide qui se connaît bien, à la manière d’un « groupe d’intervention » dans lequel chacun sait ce qu’il a à faire, est une des clés du succès de cette organisation. Elle a fait ses preuves sur plusieurs chantiers prestigieux.

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Notre-Dame de Paris et hôtels de standing
Parmi les travaux remarquables il y en a un qui impose le respect : la cathédrale de Notre-Dame de Paris. « Nous y avons réalisé les cadres du plateau liturgique, des mains courantes débillardées et des cadres en laiton pour la nef », énumère fièrement Cyril. Ce dernier a même eu droit à une accolade avec Rachida Dati, ministre de la Culture. Dans la foulée, Faut le Fer a aussi réalisé des mains courantes pour le Grand Palais à Paris. La capitale est une des destinations importantes pour les chantiers de ferronnerie et le dirigeant est un habitué du TGV et des vols entre Montpellier et Paris.

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Cyril Théophile applique la patine sur une des couronnes de la grille de l'Hôtel-Dieu.
Des chantiers de référence il y en a moins sur le Gard et, quand ils se présentent, pas question de louper le coche. Ça a été le cas pour la transformation de l’Hôtel-Dieu, ancien hôpital devenu siège de la CCI locale, en hôtel de standing cinq étoiles. Ce chantier de reconversion selon les plans de l’architecte Dominique Bezes de l’agence Artech & Cie de Carcassonne (11) est en cours. La TPE familiale de Bouillargues y a réalisé des menuiseries acier pour les chambres (gamme froide de Socomal), la restauration des rampes du hall central et des escaliers de secours. La pièce maîtresse repose ici sur la restauration des grilles de l’édifice qui comprennent des décorations (notamment des blasons) en cuivre, en fer et en laiton. Ces ouvrages qui datent de 1935 ont été restaurés à l’atelier en deux mois pour pouvoir être remontés avant la Feria de Nîmes qui s’est tenue du 4 au 9 juin 2025. Il manquait une couronne de bronze sur un des blasons… qu’à cela ne tienne : Cyril en a réalisé une copie en acier en une matinée. La réactivité face à un délai serré impose un minimum de savoir-faire et de « débrouillardise ». L’architecte lui-même ne croyait pas que cela puisse être tenable. C’est ce qui a fait que les métalliers de l’Hôtel-Dieu ont été retenus pour un autre projet du centre de Nîmes, à savoir un hôtel quatre étoiles qui sera doté d’une double façade en résille métallique avec une végétalisation de glycine et de jasmin. Ce projet est en cours de conception avec BET-Conseil, le bureau d’études de Manduel (30) dirigé par Laura Kerivel.
Un contexte qui s’est tendu
Ces chantiers sont une aubaine dans un contexte général qui reste « tendu ». C’est dans ces moments où il faut « aller chercher les affaires » que l’organisation qui a été choisie s’avère payante. « Nous cumulons des savoir-faire incroyables, nous allons vite et parlons peu. Nous n’avons pas d’esprits lents, les indépendants donnent le meilleur d’eux-mêmes », résume dans un large sourire Carole Clavel. Pour 2025 l’équipe reste attentive sur les dépenses. Après avoir investi dans deux tables de soudure (fabricant polonais GPPH) et deux postes de soudage (fabricant français Gys), le rêve de Thomas Clavel-Théophile serait d’avoir sa propre ligne de thermolaquage et une table de découpe au jet d’eau pour « continuer à être indépendant ».
Les Clavel et les Théophile

Carole Clavel a rencontré Cyril Théophile il y a vingt ans. Ensemble, ils ont fait monter en puissance la TPE de ferronnerie pure pour en faire une PME de ferronnerie et de métallerie à part entière. Ils ont été rejoints il y a peu par les fils Steven, 27 ans et Thomas, 21 ans. Ce sont ces derniers qui ont développé la compétence en métallerie dans cette structure. Ils constituent le noyau familial autour duquel gravitent une dizaine d’indépendants aguerris et réactifs. Pour les deux jeunes la voie semble tracée et ils devraient perpétuer ce schéma d’organisation.
Entreprise : Faut le Fer et Aciero Métallerie
Effectifs: 4 salariés et 13 indépendants
Chiffre d’affaires : Faut le Fer 200 000 euros
Aciero Métallerie : 600 000 euros
Surface couverte : 400 m2
Projet d’investissement : Thermolaquage, découpe jet d’eau, bardage de l’atelier