Comment traduire la polyvalence, un modèle qui perce dans le FM ?

AGIR0317_018_BA585507_Page_1_Image_0001.jpg
« La polyvalence est un modèle qui émerge progressivement dans le FM afin d’adapter, pour une meilleure efficacité, les activités aux différents besoins. » Éric Lefiot, Président du SYPEMI

Éric Lefiot - La polyvalence est un modèle qui émerge progressivement dans le FM, afin d’adapter, d’un site à un autre, les activités aux différents besoins. À contrepied de schémas industriels et immobiliers classiques centrés BtoB – dans lesquels maintenance, exploitation et services usuels aux occupants ou propreté étaient relativement silotés – un besoin de valorisation servicielle plus large est né post-Covid pour « enchanter » l’environnement de travail. Cette évolution nous enjoint de valoriser notre offre, pour répondre aux besoins en temps réel et produire ainsi des services complémentaires et continus au client, comme dans l’hôtellerie.La polyvalence est un modèle qui émerge progressivement dans le FM, afin d’adapter, d’un site à un autre, les activités aux différents besoins. À contrepied de schémas industriels et immobiliers classiques centrés BtoB – dans lesquels maintenance, exploitation et services usuels aux occupants ou propreté étaient relativement silotés – un besoin de valorisation servicielle plus large est né post-Covid pour « enchanter » l’environnement de travail. Cette évolution nous enjoint de valoriser notre offre, pour répondre aux besoins en temps réel et produire ainsi des services complémentaires et continus au client, comme dans l’hôtellerie.

AGIR0317_019_BA585507_Page_1_Image_0002.jpg
« L’idée est de délivrer le bon service, au bon moment, mais aussi en continu dans des environnements de travail protéiformes. » Christophe Leroy, Secrétaire général du SYPEMI

Christophe Leroy - La polyvalence, c’est un peu cette vision de l’« handyman » – au tournevis dans la poche et au jeu de clés bouclé à la ceinture – très prégnante dans les pays anglosaxons, tranchant avec cette notion de métiers parfaitement silotés. Si ce profil « matchait » hier avec la cohérence et l’efficience attendues de nos activités, une autre logique s’est en effet imposée avec la crise sanitaire ; une nouvelle orientation de la gestion des espaces de travail et un mouvement serviciel qu’il nous incombe aujourd’hui d’accompagner.

Défragmenter les activités, une notion qui se rapproche de l’hospitality management ?

É.L. - C’est en effet une bonne illustration d’un métier polyvalent, à la charnière entre occupants et entreprises. L’hospitality manager opère à la fois sur le relationnel avec les occupants en faveur de leur confort, et la réalisation de tâches immédiates qui améliorent les conditions de travail sans forcément faire appel à l’entreprise. Il y a un lien à creuser entre l’hospitality manager, le dépanneur et le polyvalent, aux activités désilotées et pensées dans une continuité de services et une meilleure réactivité.

C.L. - L’idée est de délivrer le bon service, au bon moment, mais aussi en continu dans des environnements de travail protéiformes (coworking, flex office, etc.). Cette adaptation sera naturellement différente selon la taille et la configuration de l’entreprise. C’est pourquoi notre accompagnement doit s’opérer en amont pour la réf lexion, et en aval pour la concertation et la réalisation. Il ne s’agit pas ici de dresser une liste de services à la Prévert : tous dépendent de la stratégie d’entreprise et des moyens qu’elle souhaite y allouer.

Les bénéfices d’un tel modèle ?

É.L. - Pour le salarié, cela induit une valorisation de ses compétences et de son statut via l’apport d’expériences et de formations complémentaires, et par conséquent, une meilleure rémunération, une évolution et des missions à plus haute valeur ajoutée. Le client gagne de son côté en efficacité : s’appuyer sur un seul interlocuteur multitâches peut non seulement lui éviter une déperdition du message mais aussi enclencher une plus grande réactivité d’intervention. Disposer d’une équipe de collaborateurs réduite mais mieux payée oeuvre aussi dans son intérêt économique, a minima à situation d’équilibre. Pour l’entreprise, c’est un système gagnant-gagnant : d’un côté, elle solutionne des pénuries de main d’oeuvre dans certains métiers, de l’autre, le salarié accède plus facilement à un équivalent temps-plein.

Comment engager cette dynamique auprès des ressources et des clients ?

É.L. - On voit bien que les nouvelles générations aujourd’hui arrivent sur le marché du travail avec une vision plus large de leur métier. Pour les agents expérimentés, aussi, cette polyvalence n’est plus un obstacle. Ce modèle est également de plus en plus demandé par les entreprises, dans cette volonté d’accompagner l’occupant, le salarié ou le locataire dans toutes les problématiques. Et puis la transversalité – qui s’est imposée via les plus petits sites (jusqu’à 10 000 m2), n’est pas nouvelle : beaucoup de techniciens multitechniques, généralement des électrotechniciens, ont déjà une capacité à agir dans plusieurs secteurs, tout comme la propreté et les métiers associés qui a par exemple des passerelles avec les espaces verts. Il s’agit aujourd’hui de pousser le curseur plus loin en créant la synergie entre agents multitechniques et multiservices indépendants.

C.L. - Il ne s’agit pas d’imposer mais d’imaginer, par exemple, la constitution d’équipes polyvalentes ex nihilo d’agents multitâches, et de les positionner dans une structure de FMeurs dédiée à cette activité. Le volontariat, dans un cadre évolutif et motivant, est un levier, et l’environnement de sites moyens en importance est un parfait bassin d’expérimentation. L’objectif n’est pas de diluer les compétences avec des « agents d’accueil haute tension » par exemple ; nous sommes conscients des limites à l’exercice ! C’est pourquoi nous travaillons actuellement à l’élaboration d’une grille de compétences transversales dans certains métiers.

Quel est l’objectif ?

E.L. - Ce sujet doit émerger de façon plus large avec les acheteurs, les DRH, les responsables sociaux, etc., afin de trouver un sens juridique. Il faut avancer un schéma, pousser l’engagement et la législation afin d’apporter des solutions économiques et de faisabilité technique. Nous avons à ce titre des réflexions engagées avec le Groupement des Professionnels de service (GPS) pour créer une adhésion plus large. Car si cette disposition de la polyvalence est aujourd’hui tout à fait admise par le biais d’accords d’entreprise, la mécanique reste un peu lourde, au cas par cas, et seule l’instauration d’un concept plus réglementaire lancerait la dynamique au profit de problématiques plus larges comme la pénurie de personnel dans certains métiers. L’objectif serait également de corréler les entreprises en demande et les personnes en recherche d’emploi, et la polyvalence est une réponse.

In fine, comment la polycompétence s’attache à répondre aux nouveaux enjeux et exigences des clients ?

E.L. - Aujourd’hui, l’un des enjeux de nos clients est de concilier attractivité et maîtrise des charges. Mais la tendance à la rationalisation des espaces ne signifie pas pour autant une réduction drastique des services – il y a des services régaliens immuables (maintenance, net toyage) quels que soient les effectifs – mais plutôt des économies d’espace pouvant être redistribuées sur des services de qualité. Et le moteur du FM, via la polyvalence des opérateurs, c’est d’être force de proposition sur ce sujet ; d’adapter les services régaliens à l’usage et à l’optimisation des ressources.

C.L. - Là où je renforcerais notre expertise en tant que FMeur de la polycompétence, c’est qu’aujourd’hui, les entreprises, quelles qu’elles soient, ont des obligations RSE fortes. Les considérations des GES conjuguées aux expertises du FM sont essentielles dans l’accompagnement de services à impact. C’est un enjeu fondamental pour nos clients que l’on observe désormais dans certains appels d’offre : valoriser l’entreprise, sa marque employeur, accompagner le volet économique sur des éléments mesurables et concrets, doper l’attractivité et l’engagement. On ne parle pas uniquement de services, de prix ou d’expertise, mais bien d’accompagnement dans des réglementations de plus en plus compliquées. De grandes fédérations, telle que la FEP notamment, nous suivent complètement dans cette logique ; et c’est très nouveau. En évolution constante, le monde du travail réclame cette dynamique.