Une plateforme Web de vente de garde-corps, est-ce sérieux ?
La préfabrication en usine d’ouvrages longtemps réalisés par les métalliers est une vieille histoire. Les portes de locaux techniques, les portes de halls d’immeubles, des escaliers, toutes sortes de menuiseries acier même les plus techniques (protection au feu ou à l’effraction par exemple), ont depuis des décennies basculé dans le giron de spécialistes industriels. Ils présentent l’avantage de ne faire qu’une seule tâche avec des moyens souvent fortement automatisés, avec des conditions d’achat de matière logiquement plus avantageuses vu les volumes et jouissent du « confort » de ne pas avoir à « gérer les chantiers ». Le modèle économique est nécessairement pertinent. Les garde-corps, produits dominant dans l’activité du métallier, n’ont pas échappé au phénomène avec notamment des solutions aluminium livrées prêtes-à-poser sur le chantier. C’est dans ce secteur qu’est apparue il y a un an une plate-forme de vente en ligne de garde-corps en verre (www.direct-garde-corps.com). Le message y est détonant. « Prix direct fabricant », « Prix dégressif » annonce-t-on en gros sur la page d’accueil. Les méthodes de la grande distribution et des discounters sont ici appliquées à la lettre (Click & collect…).
Tarifs agressifs
Les tarifs sont tous annoncés en sur un mode agressif (539 euros, 599 euros…). Garde-corps verre ou chaussures de sport, même combat. Le site en question est le fruit d’une collaboration entre TGVI, transformateur de verre plat, et Inox & Co, importateur de profils inox pour rampes et barrières. Tout le monde peut passer commande, que l’on soit professionnel du bâtiment ou particulier. Un configurateur en ligne est supposé guider le client dans ses choix. « C'est un outil qui vous permet de concevoir votre futur garde-corps verre pas cher, et ce, en choisissant des options bien différentes. Vous pouvez opter pour le type d'installation, le type de verre feuilleté trempé transparent, le type de montage ainsi que les dimensions de cet équipement de protection » lit-on sur le site. Tout semble si simple. Alors qu’il s’agit d’un ouvrage de protection dont la tenue dans le temps dépend d’une multitude de paramètres et que souvent, notamment en rénovation, c’est l’expérience du professionnel qui fait la réussite de l’opération. Qu’en pensent les métalliers ? Pour Jérémy Blanche, de Métal & Conseils, cette plateforme n’est pas une surprise. « Ce n'est pas la première fois que l'on voit ce type de site "à prix d'usine" ou "à prix cassé" surgir. Malheureusement ils ont souvent les mêmes travers. Au premier abord, c'est vendeur et tout paraît simple. Si on gratte un peu on perçoit vite les limites : leur métier est la vente et acheter chez eux, si on n'y connaît rien ou si on n'est pas vigilant, peut s'avérer "piégeux". Comme tous les "vendeurs" ils ne s'engageront pas sur l'adéquation entre le produit et sa destination. Seul l'installateur sera réputé "sachant" et donc responsable. Avant d'acheter chez eux, sachez déjà ce que vous devez acheter (normes, avis technique, contraintes, supports, etc.), contrôlez que les produits proposés correspondent sur tous les points et une fois tout vérifié, leur passer commande est alors possible ».
Banalisation du garde-corps
Pour Bertrand Génault, dirigeant de Seraba cela correspond à un mouvement de fond que celui de l’achat direct chez un producteur sans l’intermédiaire du professionnel sachant et cela vaut pour nombre de domaines dans le bâtiment dans le but de réduire les coûts. Son constat est amer : « La gestion des chantiers, et surtout des plannings et des interfaces entre lots, est fortement impactée, mais le gain potentiel l’emporte sur les inconvénients et les désordres qui en résultent. Et au bout de plusieurs affaires réalisées, l’absence de lien entre donneurs d’ordre et entreprises sous-traitantes favorisent cette manière de réaliser les chantiers ». Selon lui, « cette plateforme en constitue un nouvel aspect, en banalisant le garde-corps vitré, et en reportant au final les responsabilités et les garanties sur l’acheteur, qui n’en a pas toujours (souvent) une idée précise ». Tout en admettant qu’il est vain de vouloir lutter contre cette évolution déjà bien ancrée dans le BTP, Bertrand Génault recommande de « bien border son approche technique avant de réaliser une opération et d’accepter le transfert de responsabilité ». Car, « dans la réalité, c’est le métallier qui serait responsable si un accident arrivait (pas souvent heureusement), puisque c’est lui qui vend et pose ces ouvrages ».
https://www.direct-garde-corps.com/