Tout le monde s'accorde sur la nécessité de faire baisser les émissions carbone à l'échelle mondiale. L'Europe veut taxer les importations de pays peu engagés dans cet effort. Pour quel résultat ?

Une taxe carbone aux frontières de l’Europe a été votée par les députés européens mi-décembre 2022. Celle-ci doit « éviter le dumping écologique » de pays tiers qui seraient moins regardants sur leurs émissions CO2. Sont visés les secteurs de production de l’acier, de l’aluminium, du ciment, des engrais, de l’électricité… Formidable. Voilà que l’Europe se veut vertueuse sur ses importations alors que ce même parlement constate et encourage depuis plus de trente ans la délocalisation de son industrie et de son agriculture. Ceux qui, il y a trente ans, ont encouragé la mondialisation pourraient aujourd’hui défendre avec le même aplomb le circuit court. La crise Covid a mis en évidence que nous n’avions plus en Europe les capacités de produire suffisamment de médicaments de base. L’idée sous-jacente est donc de « réindustrialiser » le vieux continent. Là encore, formidable idée ! L’Allemagne qui a boosté son économie il y a trente ans en vendant des lignes complètes de production industrielle et autant de tracteurs ou de moissonneuses-batteuses à la Chine et ses voisins aurait donc un nouveau marché à conquérir et cela juste devant sa porte. Qui peut raisonnablement imaginer une réindustrialisation de l’Europe ? Les parents ne voient déjà pas leurs enfants travailler dans le BTP, alors dans une usine ou dans les champs ? Notons qu’entre 1990 et 2021 le fret maritime mondial de marchandises est passé de 4 000 millions de tonnes à 11 000 millions de tonnes et que les neuf plus grands ports sont en Asie… Avons-nous en Europe vraiment les moyens d’imposer nos exigences, fussent-elles vertueuses ? Rien n’est moins sûr.

Photo : © Jakub Pabis