Les traces de Jean Prouvé (1901-1984) dans Paris et la région parisienne sont connues et emblématiques de son œuvre : la Maison du Peuple de Clichy, les murs-rideaux de siège du PCF place du Colonel Fabien et de l’aéroport d’Orly pour ne citer qu’eux, sa participation au jury du Centre Pompidou… Il est indiscutablement le plus illustre ferronnier et designer du XXe siècle. La France doit à cet entrepreneur-designer de génie non seulement du respect mais aussi un devoir de mémoire. Si le mobilier métallique de Jean Prouvé atteint des sommes absurdes dans les ventes aux enchères, il en va autrement de son héritage architectural. Les murs-rideaux sont progressivement remplacés par des enveloppes plus performantes, aussi nombre de bâtiments, généralement des sièges sociaux, sont tout simplement rasés…
Triangles d'or
Il est donc d’autant plus urgent de conserver et de protéger les ouvrages restants. Parmi ceux-ci il y a la grille du Palais de la Porte Dorée dans le 12e arrondissement de Paris. Ce bâtiment construit en 1931 selon les plans d’Albert Laprade à l’occasion de l’Exposition Coloniale, est un formidable exemple du style Art Déco. Face à la minéralité puissante de la façade, la grille métallique avec ses triangles forgés et dorés à l’or fin créé un contraste salutaire. Les amateurs savent apprécier la modernité de la conception et ce langage de l’économie de matière et de moyens si cher à Jean Prouvé. C’est ce qui rend choquant, voire scandaleux, que l’on ait autorisé la pose grossière de serrures en applique sur cette grille. Alors que le Palais de la Porte Dorée, devenu Cité de l’Immigration, a fait l’objet d’importants travaux de rénovation et de reconfiguration, on se demande quel architecte en chef des Monuments historique, habituellement si pointilleux, a pu laisser passer une telle erreur. N’y aurait-il pas là l’occasion de lancer un appel pour retravailler le verrouillage de cette création unique ?