Les métalliers constituent une profession hétérogène. Selon leur type d’activité ou leur spécialisation, ils sont plus ou moins équipés et plus ou moins organisés. Cela rend les généralités difficiles et c’est tant mieux. Pour autant, il y a un point sur lequel il est relativement aisé de se mettre d’accord : leur relation au gaz de protection. Globalement, le gaz de soudage est perçu par les métalliers de l’atelier comme un consommable ordinaire. En début de journée on ouvre le robinet sur la bouteille et le soir on le ferme. Quand la bouteille est vide, on la remplace. Le rapport au gaz s’arrête à peu près là. La formation initiale des métalliers n’insiste pas longuement sur le sujet. Au pire, on incriminera la qualité du gaz en cas de mauvaise soudure. À l’heure où les gains de productivité sont devenus un impératif en métallerie, il est temps de reconsidérer le rôle et la place du gaz dans le process.
Le gaz, un produit technique
Pas question ici de développer le rôle de chacun des gaz, inertes ou actifs, utilisé en métallerie. D’autres sources le font de façon bien plus exhaustive. Notons qu’il y a, à terme, la nécessité d’une traçabilité, ne serait-ce que vis-à-vis de la norme EN 1090. Celle-ci s’applique aux ouvrages structurants, or il n’est pas imaginable d’avoir un atelier à deux vitesses, l’un conforme à l’EN 1090 et l’autre pas. Rappelons que le gaz est une variable essentielle dans les QMOS et QS selon la norme ISO 14175. Dans ce contexte, savoir précisément la nature des gaz utilisés et pouvoir le justifier sera difficile à éviter. C’est là une bonne raison de s’intéresser au sujet. L’autre raison est qu’il existe bien une relation entre productivité et nature du gaz, en l’occurrence le mélange de gaz. Bertrand Génault, dirigeant de Seraba à Ablis (78) en a fait l’expérience. « On peut vérifier les gains de productivité sur des pièces déterminées, par exemple des cadres en plat alu avec un remplissage en métal déployé alu soudé à l’intérieur. Si, après changement de gaz, sans altérer la qualité mécanique et visuelle, l’opérateur soude un ou deux panneaux de plus par jour, c’est que l’on a gagné en productivité », résume-t-il. Dans le cas de Seraba qui réalise beaucoup d’ouvrages en aluminium soudé, le passage au gaz Alumaxx Plus (Air Products), un mélange d’argon et d’hélium, a permis « une meilleure chauffe du métal, avec une intensité plus faible, donc moins de consommation électrique, pour un résultat meilleur ou identique, le tout plus rapidement ».
Philippe Despres, serrurier d’art de formation est formateur auprès des métalliers chez Air Products. Il précise : « chez Seraba nous sommes passés de 2,17 minutes à 1,33 minute pour le même travail de soudage avec ce changement de gaz sur une pièce test ».
Vitesse de soudage et débit
Pour le soudage de l’acier carbone il existe des mélanges précis d’argon, de CO2 et d’oxygène qui permettent d’augmenter la vitesse de déplacement et la stabilité de l’arc tout en conservant des propriétés de pénétration satisfaisantes. Or, là encore, il ne suffit pas seulement de s’appuyer sur le type de gaz, il faut aussi maîtriser le débit. Selon Philippe Despres, « dans les gaz standards il y a entre 8 % et 18 % de CO2 et les soudeurs ne savent pas bien ce qu’il faut utiliser pour quel soudage. Selon si l’on dispose d’une torche aspirante ou pas, il n’y aura pas les mêmes réglages. Les torches se sont améliorées, dans le cas d’une soudure d’angle, nous avons le phénomène d’un effet venturi et le risque que le gaz se trouve perturbé dans l’angle occasionne souvent des porosités. J’observe l’évolution des métiers de soudeurs. Les anciens métalliers avaient une belle notion de la fusion du métal, aujourd’hui c’est moins vrai. Cela se vérifie lors de mes interventions où la notion de vitesse de soudage fait partie des rappels indispensables ». Dans cette formation aux différents mélanges de gaz, il n’est pas rare qu’il faille aussi corriger la posture et le geste du soudeur.
La vitesse de soudage est une chose, les travaux de finitions en sont une autre. Certains mélanges de gaz permettent par exemple de réduire, voire de supprimer la création de grattons. Certes ces produits seront plus chers car plus techniques et plus élaborés. Mais combien coûte le travail de suppression des grattons ? Aussi, à ce stade il est utile de rappeler que les bombes anti-grattons qui sont nocives pour la santé du soudeur, sont une calamité pour les traitements de surface (thermolaquage et galvanisation).
Gagner en productivité grâce au gaz passe aussi, à partir d’un certain nombre de postes de travail, à une autre stratégie sur le contenant. Déplacer dans l’atelier une bouteille qui, à vide, pèse facilement 80 kg, n’est pas sans risques. Que son meilleur soudeur se blesse en voulant changer une bouteille est un non-sens. Donc, à partir d’une dizaine de postes, il est intéressant de réfléchir à un conditionnement de cadre avec plusieurs bouteilles ou un réservoir vrac de 600 à 3 000 litres à l’extérieur de l’atelier avec un réseau d’alimentation qui dessert chaque soudeur.
Il s’agit presque d’une science que celle du gaz de protection des soudures. Les multiples paramètres ne sont pas faciles à maîtriser et il est à ce titre utile d’imaginer une formation de ses équipes. Certains fournisseurs, dont c’est la spécialité, sont prêts à se déplacer dans les ateliers pour ça.
Malentendu MIG / MAG
Le A de MAG vaut pour gaz « actif » ce qui est le cas de l’argon, du CO2, de l’hydrogène ou de l’oxygène. Des gaz qui conviennent pour l’acier ou l’Inox. À l’inverse, le MIG dont le I vaut pour gaz « inerte » (argon + hélium ou seulement hélium), convient à l’aluminium. Dire en métallerie que l’on « soude au MIG » quand il est question de souder de l’acier est une erreur. Le « semi-auto » est une expression générique, mais il est approprié d’utiliser les termes « souder au MAG ».