picture Exemple de projet réalisé en BIM : l’extension du complexe sportif Roland Garros par Viry.
Tout le monde en a entendu parler mais combien de professionnels ont véritablement réalisé un projet en BIM ? La position des métalliers est particulière sur le sujet. Ils ne sont ni aux avant-postes ni à la traîne. Sur le plan technique, ils devraient être prêts.

l’heure où nous écrivons le BIM n’est pas obligatoire dans les marchés publics. Faut-il s’en réjouir ? Disons que, pour ceux qui répondent aux appels d’offres dans les marchés publics, ça laisse du répit pour se caler et se former. La réalité de ces marchés, dont les budgets sont souvent considérés comme trop faibles, n’est de toute manière pas un encouragement à migrer vers le BIM. Alors obligation ou pas, la motivation doit être ailleurs. Comme le rappelait Noël Peyramayou, dirigeant de Duval Metalu, dans le dossier BIM de Métal Flash n° 115 (juillet 2015). « Il faut y aller. Le bâtiment a besoin de revoir son organisation, arrêtons de refaire la musique à chaque fois. Mémoriser les processus avec des outils modernes et numériser les historiques, c’est formidable ». L’enthousiasme du charismatique dirigeant de la Sarthe a eu de l’écho. Notamment auprès de l’Union des métalliers qui n’a pas failli dans sa mission de formation et d’information. L’organisation professionnelle a multiplié les publications et les ateliers lors des Assises sur le sujet du BIM. On constate que les métalliers ne sont pas moteurs dans cette mutation profonde qui attend le monde de la construction. Sont-ils pour autant en retard ?

Bernard Moulène, BGN, « Certains chantiers démarrent avec une exigence BIM, mais le processus est bloqué quand un seul intervenant n’est pas équipé ».

Moindre mesure, la métallerie, sont largement équipées et orientées vers la réalisation de plans 3D. Intellectuellement cela crée une prédisposition favorable au BIM. Ceux qui, il y a encore dix ans, soutenaient avec détermination que les métalliers n’ont pas besoin de 3D et que la 2D est bien suffisante pour le type d’ouvrage qu’ils fabriquent ont manqué de perspicacité et n’ont pas anticipé l’impact du BIM. Prenons l’exemple des gammistes acier. S’ils s’efforcent de développer leur propre logiciel de fabrication, ils ont déjà pour la plupart des bibliothèques

LES MÉTALLIERS ONT ADOPTÉ LA 3D

« Les demandes des métalliers sur le BIM sont faibles depuis le début car ils n’interviennent pas sur la maquette numérique. Ils livrent, dans la plupart des cas le plan 3D de leur ouvrage à la maquette numérique. Avant c’était au format DWG et désormais c’est dans un format compatible BIM (.ifc, .rvt par exemple)», explique Marion Girard, technico-commerciale chez Média Softs, éditeur du logiciel de plans automatisés MétalCad.

« Ceux qui soutenaient que les métalliers n’ont pas besoin de 3D ont manqué de perspicacité et n’ont pas anticipé l’impact du BIM. »

Le BIM a beau ne pas être obligatoire, la 3D en revanche est devenue incontournable, « même pour un escalier de trois marches ». Sur cet aspect la construction métallique et dans une compatibles BIM de leurs profils. Quand Media Softs intègrera ces bibliothèques dans son logiciel de dessin le métallier fera du BIM presque sans le savoir puisqu’il disposera de toutes les caractéristiques techniques du profil en question. À ce titre il est clair que l’entreprise préférera disposer d’un logiciel de dessin avec toutes les bibliothèques de gammistes qu’un logiciel dédié à une seule marque. Aussi comme le souligne Bernard Moulène, dirigeant de BGN à La Crèche (79), « nous avons la culture de la visualisation des ouvrages dans un ensemble. On sait depuis longtemps faire des simulations d’implantations avec les architectes. Nos bureaux d’études ont tout à gagner avec le BIM. S’ils disposaient d’une maquette numérique ils pourraient voir tous les réseaux afin d’implanter, voire de concevoir idéalement, les charpentes métalliques et les ouvrages de métallerie ».

Les Tekla France BIM Awards récompensent depuis dix ans et selon plusieurs catégories les projets réalisés avec le logiciel BIM Tekla Structures.

LA RÉALITÉ DU TERRAIN EST AUTRE

Cette prédisposition favorable des métalliers rompus aux conceptions parfois complexes de leurs ouvrages et aux outils 3D offre-t-elle un avantage sur le terrain ? Théoriquement oui. « Maîtriser les outils du BIM n’apporte pas à ce jour d’avantage concurrentiel. Ce qui compte encore avant tout c’est le prix », lance Bernard Moulène. Autre facteur limitant : le corps de métier qui n’est pas équipé. « Certains chantiers démarrent avec une exigence BIM. Or, notamment quand on fait appel à des prestataires moins disant, le processus BIM est vite bloqué quand un seul intervenant n’est pas équipé. Aujourd’hui, il est fréquent que nous placions sur notre plan de charpente les murs et les cloisons et divers travaux d’autres corps de métiers », explique le dirigeant de cette entreprise de 50 personnes. Qu’en est-il des délais serrés ? N’est-ce pas contradictoire avec une démarche coordonnée et un travail collaboratif comme le suggère le BIM ? « Les chantiers vont trop vite et nous n’avons souvent pas le temps d’attendre que l’autre corps de métier ait mis ses éléments sur le plan. Nous lançons la fabrication et une fois sur chantier, nous nous adaptons ». Un des freins au processus du BIM serait donc la confusion entre vitesse et précipitation… Celle-ci est aussi source d’erreurs ce que le BIM justement vise à réduire. En attendant que l’ensemble de la chaîne se cale sur cette nouvelle façon de concevoir et de construire, les métiers du métal dans la construction gagneraient à affirmer plus nettement leurs prédispositions favorables en la matière. Il en résulterait logiquement un rapprochement entre métalliers et architectes. C’est un tandem qui, au cours de l’histoire, a montré qu’il fonctionne plutôt bien.

Marion Girard, Média Softs, « La 3D est devenue incontournable même pour un escalier de trois marches ».