Entrepose
Dès qu’il est question de poser
L’ensemble des normes régissant aujourd’hui la prévention des risques de chute a été mis en place en 2004. Les textes sont basés sur le principe d’une protection collective. Ce point est important pour les entreprises de pose d’ouvrages dans le bâtiment. Attention la loi fait peser l’essentiel du poids de la responsabilité sur le dirigeant.

« Lorsque nous intervenons dans les entreprises pour la formation à l’utilisation de nos équipements, nous posons systématiquement la question : qui est déjà tombé au moins une fois ? En général tout le monde lève la main. Tous ont été concernés par une chute – soit d’un escabeau, soit d’une échelle, soit d’une fenêtre – ou ont été témoin d’une chute d’un collègue. » Ce constat fait par Xavier Julliard, directeur de SYAM Distribution, société commercialisant un équipement de protection individuelle offrant un point d’ancrage temporaire sécurisé auquel attacher le harnais (le SYAM), tous les professionnels de la prévention des risques le font. Et les poseurs de fermetures sont particulièrement exposés. D’où l’intérêt pour les dirigeants des entreprises de la filière de connaître le corpus de règles sur le sujet et surtout d’en comprendre l’esprit s’ils ne veulent pas voir leur responsabilité un jour engagée. « La réglementation a été mise à jour en 2004 et depuis, il n’y a pas eu d’évolutions majeures sur le poste de travail en hauteur », estime Gabriel Staniul, responsable technique du Syndicat français de l’échafaudage, du Coffrage et de l’étaiement (SFECE).
Comme l’indique l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS)* sur son site, la question du travail en hauteur est traitée par le Code du travail et la prévention du risque de chute de hauteur répond aux principes généraux de prévention (articles L. 4121-1 et suivants). Concernant les travaux temporaires en hauteur, l’article R. 4323-58 du Code du travail stipule qu’ils doivent être « réalisés à partir d’un plan de travail conçu, installé ou équipé de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs. Le poste de travail est tel qu’il permet l’exécution des travaux dans des conditions ergonomiques. » Et l’article R. 4323-59 du Code du travail indique que « la prévention des chutes de hauteur à partir d’un plan de travail est assurée soit par des garde-corps […], soit par tout autre moyen assurant une sécurité équivalente. » Pour Gabriel Staniul, le principe est clair : « Quand on travaille en hauteur, on doit avoir un plan de travail adapté et équipé d’une protection collective. Si la chose n’est pas possible, des modalités techniques d’exemption peuvent aboutir à la mise en place de protections individuelles. » L’article R. 4323-60 prévoit ainsi le recours à des « dispositifs de recueil souples » et l’article R. 4323-61 aux « équipements de protection individuel (EPI) comme les systèmes d’arrêt de chute », notamment ceux de catégorie 3 (harnais, longe, ligne de vie ou SYAM). Cette réglementation est résumée dans l’article R4323-62 du code du travail, qui insiste sur la priorité donnée au caractère collectif de la protection.

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Siam / Hymer
Poseurs équipés en Syam sur le chantier de l’Arbre Blanc. / La norme EN 131 pour les échelles a considérablement renforcé

Qu’est-ce qu’un travail en hauteur ?

Si cette réglementation a permis une prise de conscience salutaire dans les professions exposées aux chutes de hauteur, notamment dans le monde du bâtiment, elle pose un premier problème juridique : elle ne définit pas ce qu’est un travail en hauteur. La question n’a rien de théorique pour le dirigeant de l’entreprise de métallerie ayant une équipe de pose. C’est en effet à lui de rechercher l’existence d’un risque de chute et de faire en sorte qu’elle n’arrive pas. Comme le rappelle Gabriel Staniul : « Empêcher tout accident est une obligation de résultat. Dans le cas du travail en hauteur, une obligation de moyens s’applique également. Elle se caractérise par une analyse du risque préalable au chantier, d’une part, et la mise à disposition de moyens d’accès et de moyens de travail adaptés d’autre part ». Faire appel à un professionnel pour installer un équipement ou une protection de travail en hauteur offre une garantie de qualité de prestation mais, contrairement à ce que l’on pourrait penser, cela ne permet pas à l’employeur-utilisateur de s’affranchir de sa responsabilité. « La responsabilité finale vis-à-vis de ses salariés est toujours celle de l’employeur-utilisateur, ce qui est compliqué à comprendre, même pour les plus avertis », poursuit le responsable technique du SFECE. Et c’est pour cela qu’il doit toujours vérifier ou faire vérifier que l’équipement est bien installé et adapté au contexte de travail. La réglementation peut paraître sévère pour l’employeur-utilisateur qui n’a pas les compétences techniques et pense déléguer de bonne foi. Mais elle est écrite de sorte que l’employeur-utilisateur réfléchisse en amont et s’assure au quotidien de la sécurité de ses salariés. « Il est facile d’utiliser un même équipement pour tous les travaux ou tous les chantiers. Mais il est plus pertinent d’adapter cet équipement aux différentes situations de travail ou de choisir un autre équipement le cas échéant. »

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Xavier Julliard, Syam / Pierre Guidel, L’Echelle Européenne / Gabriel Staniul, SFECE

Une réglementation floue ?

Pour Pierre Guidel, responsable marketing et communication de L’Echelle européenne, entreprise spécialiste de la hauteur, mettre le dirigeant face à ses responsabilités a du bon. « Certains peuvent considérer que cette réglementation est floue, nous n’avons pas cette lecture. Cela oblige l’employeur à prendre les mesures adéquates. Il y a d’ailleurs un nouveau métier qui est né pour l’aider, celui de préventeur. Il est là pour encadrer et mettre en place la sécurité sur les chantiers. »
Autre problème lourd d’enjeu : la définition de ce qu’est un poste de travail sur lequel la loi, là encore, ne dit rien. L’enjeu n’est pas nul. S’il s’agit d’un poste de travail, l’escabeau, l’échelle et le marchepied, encore utilisés en pratique, sont formellement interdits. C’est ce que rappelle l’article R. 4323-63 qui précise toutefois : « Ces équipements peuvent être utilisés en cas d’impossibilité technique de recourir à un équipement assurant la protection collective des travailleurs ou lorsque l’évaluation du risque a établi que ce risque est faible et qu’il s’agit de travaux de courte durée ne présentant pas un caractère répétitif. » Là encore, pas plus de précisions et la responsabilité de cette appréciation pèse entièrement sur l’employeur du poseur en métallerie. « La loi ne donne pas de durée de travail maximum. Ce n’est pas le cas partout. Au Canada, par exemple, le code du travail annonce une durée d’heure », remarque Pierre Guidel. Dernière question délicate : dans quels cas la mise en place d’une protection collective pour un poste de travail est-elle impossible techniquement ou n’est pas nécessaire car de courte durée, ce qui débouche sur la mise en place d’un EPI de catégorie 3. Pour Pierre Guidel, « l’utilisation de protections individuelles est une exception. Ce n’est pas le cas le plus fréquent. Et, compte tenu du postulat de départ posé par la loi, l’offre en produits s’oriente généralement sur des équipements qui intègrent une sécurité collective. C’est l’environnement qui sécurise l’utilisateur plutôt que l’utilisateur qui se protège par rapport à son environnement. » Pour Xavier Julliard, « l’activité de pose de fenêtres peu ou pas répétitive n’est pas considérée comme une situation nécessitant une protection collective. On ne va pas demander à un storiste de mettre un échafaudage au dixième étage pour changer un store ».
De l’avis des spécialistes, la loi se révèle, au final, plutôt efficace. « Les chutes de hauteurs sont encore trop fréquentes, mais les choses évoluent dans le bon sens. Et cela, grâce à la réglementation, en plus de la diffusion grandissante d’équipements s’y référant », note Pierre Guidel. « Il est tout à fait possible de respecter la réglementation. Je dis aux poseurs et à leurs patrons : ne la prenez pas comme une contrainte, mais comme une aide. Quand on a une bonne démarche, cela ne prend pas si longtemps et vous pouvez sauver une vie », estime Gabriel Staniul.

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Pyc
Il n’est pas toujours facile d’être en conformité avec la loi, mais dans le cas d’une intervention lourde sur un ouvrage en hauteur il n’est pas tolérable de prendre de tels risques avec une échelle.

*http://www.inrs.fr/risques/chutes-hauteur/reglementation-travail-hauteur.html

Les articles à connaître

Article R. 4323-58 du Code du travail

Les travaux temporaires en hauteur sont réalisés à partir d’un plan de travail conçu, installé ou équipé de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs. Le poste de travail est tel qu’il permet l’exécution des travaux dans des conditions ergonomiques.

Article R. 4323-59 du Code du travail

« La prévention des chutes de hauteur à partir d’un plan de travail est assurée :
1° Soit par des garde-corps intégrés ou fixés de manière sûre, rigides et d’une résistance appropriée, placés à une hauteur comprise entre un mètre et 1,10 m et comportant au moins : a) Une plinthe de butée de 10 à 15 cm, en fonction de la hauteur retenue pour les garde-corps ; b) Une main courante ; c) Une lisse intermédiaire
à mi-hauteur ;
2° Soit par tout autre moyen assurant une sécurité équivalente. »

Article R. 4323-62 du Code du travail

« Lorsque les travaux temporaires en hauteur ne peuvent être exécutés à partir du plan de travail tel que mentionné à l’article R. 4323-58, les équipements de travail appropriés sont choisis pour assurer et maintenir des conditions de travail sûres. La priorité est donnée aux équipements de travail assurant une protection collective. Les dimensions de l’équipement de travail sont adaptées à la nature des travaux à exécuter et aux contraintes prévisibles et permettent la circulation sans danger.
Des mesures propres à minimiser les risques inhérents à l’utilisation du type d’équipement retenu sont mises en œuvre. En cas de besoin, des dispositifs de protection pour éviter ou arrêter la chute et prévenir la survenance de dommages corporels pour les travailleurs sont installés et mis en œuvre dans les conditions prévues aux articles R. 4323-60 et R. 4323-61.

La deuxième cause d’accidents mortels

Selon l’INRS, en 2015, « 12 % des accidents du travail ayant entraînés au moins quatre jours d’arrêt de travail sont dus aux chutes de hauteur. Les chutes de hauteur représentent la 2e cause d’accidents mortels liés au travail après le risque routier. Ces accidents surviennent dans tous les secteurs d’activité, mais c’est dans le secteur de la construction que l’on constate la plus forte proportion et les conséquences les plus graves ». Toujours selon l’organisme, l’utilisation des échelles et escabeaux représente aujourd’hui la 2e cause de chutes graves dans le cadre du travail. « Plus de 18 % des chutes entraînant une incapacité permanente dans les accidents du travail sont dues à la mauvaise utilisation de ces équipements ».

Formation : des règles différentes

D’une manière générale, le code du travail prévoit que tout employeur est tenu d’informer ses salariés sur les risques professionnels et leur prévention, de les former à la sécurité et à leur poste de travail (articles L. 4141-1 à 4141-4 du Code du travail). Mais sur la question spécifique des travaux en hauteur, des règles particulières sont prévues pour certains équipements. C’est notamment le cas des échafaudages (article R. 4323-69 du Code du travail), qui « ne peuvent être montés, démontés ou sensiblement modifiés que sous la direction d’une personne compétente et par des travailleurs qui ont reçu une formation adéquate et spécifique aux opérations envisagées ». Quant aux protections individuelles de niveau 3 (harnais, longe, ligne de vie, SYAM), selon l’INRS, « le salarié doit suivre une formation adéquate et spécifique à l’utilisation ». Par ailleurs, « ces formations doivent être renouvelées aussi souvent que nécessaire. Le salarié doit être à même de contrôler avant chaque intervention que les équipements sont en bon état et de s’assurer que les vérifications périodiques annuelles ont été effectuées » (articles R. 4323-104 à R. 4323-106).