Les pays du Moyen-Orient ont une solide expérience des chantiers en pleine chaleur... Les pays du Moyen-Orient ont une solide expérience des chantiers en pleine chaleur...
Se protéger contre les risques du métier et lutter contre la surchauffe en période estivale est parfois une équation complexe. Les entreprises s’adaptent comme elles peuvent aux périodes caniculaires. Des EPI spécifiques ont fait leur apparition. Ils restent méconnus.

C’est une certitude : les épisodes caniculaires seront plus fréquents et vraisemblablement plus longs dans les années à venir. Les entreprises de métallerie sont doublement concernées, sur les chantiers et dans les ateliers. Il faut pouvoir conjuguer les impératifs de sécurité au travail et le confort. Sur certains postes en atelier comme le soudage, par exemple, il n’est pas question de lésiner sur la sécurité. Il en va de même pour ceux qui travaillent dans les cabines de grenaillage et de métallisation entièrement revêtus d’une tenue proche d’un scaphandre. C’est sans doute l’un des endroits les pires en période de canicule. Et que dire des ferronniers qui, en plein été, sont tentés de forger bras nus… La prise de risque n’est pas négligeable.

Bon sens et professionnalisme

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Patrick Lescos, "On doit faire le tri dans les propositions des salariés, afin d'éviter que la qualité du travail en pâtisse".

L’inconfort peut aller jusqu’à engendrer des malaises. L’OPPBTP prend le sujet suffisamment au sérieux pour lui consacrer un programme de recherche en vue de formuler des recommandations. En attendant, sur le terrain, les entreprises s’adaptent, en prenant des mesures à la fois réglementaires et de bon sens. Bien entendu, la plus immédiate de toutes est de mettre à la disposition de chaque compagnon au moins trois litres d’eau potable par jour en cas de fortes chaleurs (une obligation régie par le Code du travail). Autre mesure de bon sens : l’aménagement des horaires de travail, afin que les salariés commencent « à la fraîche », afin de leur éviter de travailler aux heures les plus chaudes de l’après-midi. Notamment lorsqu’il est question de travail à l’extérieur. Tout cela bien sûr, sur la base du volontariat, aucun changement d’horaire ne pouvant être imposé par une direction à ses salariés. D’une manière générale, c’est l’esprit de concertation qui doit primer, estime Patrick Lescos, dirigeant de Troisel à Fleurance (32) : « Nous n’imposons rien aux salariés. Nous sommes une PME, dès lors, nous restons ouverts à leurs propositions et revendications. Toutefois, si nous les écoutons, il ne s’agit pas non plus de juste faire ce qui les arrange. On doit faire le tri dans leurs propositions, afin d’éviter que la qualité du travail en pâtisse… » Ce travail de concertation donne lieu chaque année à une note d’information à l’attention du personnel de Troisel en période de fortes chaleurs, assorties de recommandations en matière de prévention en matière d’hygiène de vie (travailler en groupes et non de manière isolée en cas de malaise, éviter les repas trop copieux, la consommation de tabac, d’alcool, prendre soin de favoriser un sommeil réparateur…). Des recommandations un peu paternalistes certes, mais édictées dans l’intérêt des salariés et de la bonne marche de l’entreprise. « Du bon sens et du professionnalisme », conclut Patrick Lescos.

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La marque Techniche a développé une large gamme de vêtements de protection adaptés aux climats extrêmes. Les équipes des chantiers du Qatar en ont été équipés.

L’option du système D

Rien n’empêche toutefois les chefs d’entreprise d’user du système D afin de mettre leurs salariés dans les moins mauvaises conditions. Notamment en atelier. Dans un atelier mal isolé, la sanction est immédiate : c’est une étuve. « Heureusement, il fait relativement frais l’été – autour de 20 °C - dans notre atelier de 600 m2, se félicite Mickaël Lesueur, de la métallerie Lesueur à Louviers (27). S’il n’est pas particulièrement isolé, il bénéficie de parois épaisses, lui permettant de conserver une certaine fraîcheur en été, malgré un pan intégralement vitré. » L’entreprise est en passe de faire l’acquisition d’un nouvel atelier de 3 000 m2 avec une isolation thermique renforcée (et chauffage central pour l’hiver). Patrick Lescos a quant à lui investi dans des rideaux isolants industriels à ouverture et fermeture rapide afin de limiter au maximum l’entrée de la chaleur dans l’atelier. De son côté, David Nicolau, cogérant de la société NDA Fermetures à Sémoy (45) a investi dans « des barnums de trois mètres sur trois ; ça permet à mes salariés d’être moins exposés au soleil lorsqu’ils travaillent en extérieur. ». Le dirigeant a également investi dans un nouvel atelier de construction récente (2013), bien isolé, avec façade double peau, jouissant d’un puits de lumière, et équipé d’une ventilation zénithale permettant de rafraîchir l’atmosphère. « Précédemment, nous étions locataires d’un bâtiment agricole et c’était terrible, l’hiver… mais encore plus l’été ! » Un témoignage qui laisse à penser que d’une manière générale, les ateliers sont sous-équipés en matière de génie climatique : si le chauffage en hiver y est souvent traité à l’aide de générateurs d’appoint, ils ne disposent pas de systèmes actifs leur permettant de faire par exemple de la surventilation nocturne. Reste alors la débrouille…

Vers des EPI anti-canicule ?

On retrouve également cette approche pragmatique chez un certain nombre de fournisseurs d’EPI, qui proposent des articles « anti-canicule » venant en complément d’EPI standard, sous la forme de vêtements (gilets, gants, chaussures), et d’accessoires de rafraîchissement (bandeaux, calottes protège nuques et autres bandanas, voir encadré). Ces EPI peuvent être constitués de textiles dont le maillage favorise la dissipation de chaleur, prévient la moiteur ou encore de textiles qui, une fois humidifiés, permettent de rafraîchir par évaporation la partie du corps concernée pendant plusieurs heures. Bien que disponible sur le marché depuis bien cinq ou six ans, ce type d’accessoires ne semble pas bien identifié par les métalliers. « Nous sommes beaucoup sollicités par des distributeurs d’EPI, qui nous interrogent quant à nos besoins, abonde David Nicolau, mais pour ma part, j’avoue ne pas être très au fait de tous ces accessoires de rafraîchissement. » Ce que reconnaît David Sapin (EPI du centre), pour qui les entreprises, a fortiori de métallerie, ne se sont pas encore saisies en masse de ce type d’accessoires. Ce n’est pas faute pour lui de se poser en prescripteur : « En tant que distributeur, il nous incombe de poser au client des questions relatives à leurs besoins, en fonction du type de poste et de l’environnement considéré. ». Et pour mieux évangéliser « à la source », David Sapin effectue également des sessions de sensibilisation aux EPI auprès des apprentis en partenariat avec les Compagnons du Tour de France.

Un coût pour l’entreprise

Aussi ces EPI anti-canicule peuvent constituer un surcoût pour les entreprises, qui consentent une part non négligeable de leurs budgets pour fournir à leurs collaborateurs leurs paquetages sérigraphiés aux couleurs de l’entreprise. Paquetages qu’il faut régulièrement renouveler : « Nous constituons un stock permanent d’EPI pour la trentaine de salariés que compte l’entreprise, afin de pouvoir remplacer les vêtements qui ont des accros. », indique Mickaël Lesueur. Reste à voir si dans les années qui viennent les dirigeants prendront le pli et agrémenteront les paquetages de leurs compagnons de ces accessoires anti-canicule. Car il va falloir s’adapter, aux épisodes de fortes chaleurs.

Se rhabiller pour l’été, de la tête aux pieds

Lorsque le soleil cogne, il faut en premier lieu protéger la tête. Plusieurs accessoires rafraîchissants sont disponibles, à commencer par les bandeaux frontaux (sous casque) et bandanas en textile rafraîchissant hyperabsorbants : une fois humidifiés, ces bandeaux et bandanas permettent de rafraîchir la tête par évaporation pour une durée de trois à quatre heures. Les compagnons tenus de porter un casque de chantier pourront porter leur choix sur une variante de ces produits, la calotte rafraîchissante. Basée sur le même principe que les bandeaux, celle-ci se fixe sur le harnais du casque au moyen d’attaches agrippantes. Idem pour les protège-nuque, qui se fixent cette fois sur l’arrière des casques et qui, en plus de leur pouvoir rafraîchissant, protègent la nuque des coups de soleil. Pour le corps, des gilets rafraîchissants sont constitués d’un textile reposant sur une technologie innovante : une fois humidifié et essoré, le textile est le siège d’une réaction chimique lui permettant de fixer l’eau comme une éponge, et ainsi maintenir le torse au frais pour une durée allant jusqu’à 8 heures. Enfin, pour les extrémités, mains et pieds, il existe des gants à microfibres pour éviter la moiteur et autres chaussettes et semelles limitant la transpiration. La serviette Freeze (voir photo) du fabricant Lebeurre est en microfibres polyester qui se porte mouillée et essorée autour de la nuque. Ce simple bout de tissu peut générer une véritable sensation de fraîcheur.

Tissus légers et respirants

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La société française Lebeurre, avec sa marque LMA Workwear, développe depuis plusieurs années des produits spécifiquement prévus pour protéger le travailleur pendant les périodes de fortes chaleurs. Avec l’utilisation de tissus légers (coton 260 g/m²) et respirants (Coolmax), ce sont près de 25 % de ses vêtements qui sont adaptés à l’été, dont une sélection traitée anti-UV et certains normés EN 13758 (protection contre le rayonnement UV solaire). LMA Workwear propose des tenues complètes adaptées aux fortes chaleurs pour les hommes comme pour les femmes : gilets sans manches, t-shirts, pantalons, bermudas, chaussettes et accessoires. Certains de ces produits sont issus des gammes Haute Visibilité ou Multirisques, afin d’assurer la protection des travailleurs par tous temps. Ces vêtements sont imaginés et conçus par le bureau d’études de Lebeurre, dans ses locaux à Querrieu, dans la Somme.

Un bracelet connecté anti-canicule ?

Au cours de l’été 2021, l’OPPBTP en partenariat avec PROBTP ont expérimenté sur 850 salariés du BTP l’utilisation d’un bracelet connecté dénommé Heat Warning Watch Canaria, (nom inspiré des mineurs qui descendaient accompagnés d’un canari pour détecter les gaz toxiques). Conçu par la start-up Biodatabank, ce bracelet connecté agit comme un thermomètre et déclenche une alarme lorsque la température corporelle du porteur s’élève : c’est le signal qu’il faut s’hydrater et se mettre à l’ombre. L’OPPBTP doit prochainement communiquer sur les enseignements de cette expérimentation.