© Cédrice Bérieau - CMN
Les anciens bureaux de la Marine nationale sont aujourd’hui ouverts au public. Le bâtiment a été entièrement restauré et l’intérieur a été remis dans son style d’origine du XVIIIe siècle. Comme un contrepied à ce travail patrimonial, une verrière sur cour apporte une vue stupéfiante sur le futur.

Un éclat éblouissant

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Nous sommes place de la Concorde, au cœur de Paris, face à l’Obélisque et à deux pas du jardin des Tuileries comme de l’Assemblée nationale. L’Hôtel de la Marine séparé de l’Hôtel de Crillon par la rue Royale a été depuis le XVIIIe siècle le garde-meuble de la Couronne puis de la République ainsi que l’adresse du ministère de la Marine durant 226 années. Après avoir regroupé en 2007 tous les états-majors d’armée sous un même toit à Balard, l’État a eu la possibilité de vendre le bâtiment à un investisseur privé. Il a été un temps question d’y installer « un centre mondial de la création ». Le projet a cependant été jugé « trop commercial ». En 2011, l’État décide donc de garder ce patrimoine dans la sphère publique. Il confie au Centre des monuments nationaux (CMN) la gestion des travaux de restauration et de l’exploitation du site. L’idée a été d’en faire un lieu muséographique qui puisse transposer les visiteurs dans l’univers du XVIIIe siècle. Outre la reconstitution et restauration extrêmement fidèles des chambres, des bureaux et des salons, le CMN s’est fixé l’objectif d’atteindre une rentabilité qui puisse couvrir les frais de travaux et d’exploitation. L’Hôtel de Marine est à ce titre privatisable pour des événements promotionnels, par exemple.

Entre 2017 et 2021 ce sont des dizaines de métiers d’art qui se sont penchés sur l’Hôtel de la Marine. Les tapissiers, les doreurs, les peintres de décors, les verriers, les tailleurs de pierre, les couvreurs, les ébénistes et bien évidemment les serruriers d’art (dont la métallerie Crézé) ont veillé à restituer le cadre de l’époque.

À la pointe du goût

Il était considéré comme « décor novateur, à la pointe du goût des siècles des lumières, et de qualité équivalente à celle des réalisations contemporaines sur les chantiers royaux, parfois même les préfigurant », lit-on dans le dossier du CMN. Les éléments modernes (faux plafonds et planchers, doublages, cloisons…) ont été supprimés. La plupart des menuiseries extérieures ont été changées, les plus anciennes ont été restaurées tout comme les rampes et les garde-corps. Ce lieu d’histoire et de patrimoine ne s’est cependant pas enfermé dans une vision figée de son siècle d’origine.

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Taillé comme un diamant

En témoigne la verrière qui coiffe la cour de l’Intendant. Il n’y a pas d’équivalent à Paris où pourtant des dizaines de cours intérieures ont été couvertes durant ces dernières années avec la hausse vertigineuse des prix de l’immobilier. D’ailleurs, peut-on encore parler de verrière dans le cas présent ? C’est plutôt un diamant ou un cristal qui créée quasiment une illusion d’optique. Sa géométrie qui s’apparente à une pyramide mais aussi les éléments de verre suspendus font littéralement disparaître la structure métallique porteuse. Plus qu’une verrière, nous avons ici une pièce d’orfèvrerie. Nous devons cette création à l’architecte britannique Hugh Dutton. Celui qui, tout jeune, avait co-inventé la façade en verre agrafé pour la serre à bambous de la Cité des Sciences de La Villette, a conçu pour l’architecte en chef des Monuments historiques Christophe Bottineau (agence 2BDM), un « collecteur de lumière naturelle ». D’une surface de 330 m2, ce diamant placé au-dessus de la corniche entre le deuxième et le troisième étage, veille à démultiplier les apports lumineux grâce aux réflecteurs qui ceinturent cette corniche. Par un jeu de miroirs, les étages ajoutés qui se trouvent au-dessus de l’objet, disparaissent à la vue des visiteurs. L’illusion est parfaite. La structure porteuse a été fabriquée par l’entreprise Chauvet pour le compte d’Eiffage Métal qui a réalisé l’ensemble des études et des plans. Elle est constituée de PRS réalisées à partir de plats de 12 et 15 mm d’épaisseur, de 120 mm de large à une extrémité et de 150 mm à l’autre et découpés au laser. Les arêtiers vont de 400 à 700 mm de hauteur. « Il s’agit de PRS en triangle à inertie variable. C’est le chéneau qui ceinture la cour qui reprend les efforts ainsi que le système de tirants en ronds filetés placés sous la nappe de verre et les haubanages », se souvient Angel Prol, codirigeant de Chauvet. Le défi était de taille pour ce sous-traitant spécialiste des ouvrages métalliques en tous genres. « Il y avait la complexité de l’ouvrage et le délai, soit à peine trois mois pour réaliser toutes les pièces ».

La particularité de la charpente est aussi qu’elle est capotée de tôle Inox poli miroir. Cet habillage contribue évidemment à faire disparaître un peu plus la structure. Il faut aussi savoir que ce lustre géant supporte, outre le vitrage de surface, des centaines de lames de verre dépoli en sous-face intérieure. « Disposées radialement, elles brouillent la trame structurelle, dissimulent les câbles et composent l’unité de la verrière », explique-t-on chez HDA.

Des verres arêtiers de 14 m

Aussi les quatre verres arêtiers ont la particularité de faire 14 m de long. Au milieu, il n’y a qu’un vitrage légèrement bombé. L’ensemble pèse 70 tonnes dont 35 pour la charpente ; ça donne une idée du poids qu’elle doit supporter.

Pour l’entreprise Chauvet il y a un avant et un après Hôtel de la Marine. « Ce chantier a été particulièrement formateur sur l’importance de la qualification de nos soudeurs. Il fallait associer rigueur extrême dans la fabrication et vitesse de fabrication. Quand les architectes sont venus visiter notre atelier de Vouillé, ils n’en revenaient pas. Ils imaginaient que nous avions une structure artisanale », se rappelle Angel Prol non sans fierté.

Maître d’ouvrage : Centre des monuments nationaux

Maître d’ouvrage : 2BDM architecte MH, Hugh Dutton Associés architecte

Entreprise : Eiffage Métal

Sous-traitant charpente : Chauvet

Coût total : 2,5 millions d’euros