Noël Peyramayou sur la scène du théâtre municipal de Saumur. © Pyc
Noël Peyramayou sur la scène du théâtre municipal de Saumur.
Il est une des fortes personnalités de la profession. Noël Peyramayou fascine autant qu’il agace. Quel que soit le regard que l’on porte sur l’homme, son parcours professionnel est marqué d’une indiscutable réussite. Il y a huit mois, il a transmis les clés de son entreprise Duval Métalu à son fils Grégory.

« Suis réglo, mais j’aime autant fixer les règles »

C’est une icône. Noël Peyramayou, 75 ans, métallier de formation et ancien dirigeant de l’entreprise Duval Métalu au Mans (72), est certainement une des personnalités les plus marquantes de la profession. Issu d’une « famille pauvre mais aimante » selon ses mots, il a eu toute sa vie une volonté farouche de s’élever socialement sans jamais renier ses origines. Entré à 15 ans comme apprenti chez Duval, il en deviendra deux décennies plus tard le propriétaire. Il revendra cette métallerie de plus de 100 salariés en 2000 avant de la racheter en 2003 à la barre du tribunal de commerce. Ses repreneurs (ingénieurs de formation) n’auront pas réussi à piloter ce navire qui devient alors Duval Métalu. Ce coup de maître aura contribué à forger sa réputation d’entrepreneur doué et intuitif.

Charisme et entrepreneuriat

Entre-temps, Noël Peyramayou a été trois années président du football club du Mans qui, sous son mandat, est monté dans l’élite de la première division. Il aura aussi été à la tête de la Chambre de commerce et de l’industrie de la Sarthe, président de la FFB 72 et président départemental des métalliers. Toujours tiré à quatre épingles, n’hésitant jamais à prendre le micro quand l’occasion se présente, il est charismatique, ça ne fait aucun doute. Il a un ego démesuré aux yeux de certains qui n’hésitent pas à dire qu’il vaut mieux « avoir Noël avec soi que contre soi ». L’homme est réputé pour être un redoutable négociateur qui ne craint pas l’adversité. Il dit de lui : « je suis un type réglo, mais j’aime autant fixer les règles ». Sans doute a-t-il acquis ses réflexes de défense dans le quartier populaire où il a grandi avec ses trois frères et sa sœur. C’est également dans ce cercle familial qu’il a affûté son sens de la solidarité et de l’amitié. Les métalliers sarthois peuvent en témoigner… Le besoin d’être connu et reconnu est profond : « Plus on part d’un univers sans reconnaissance et plus on la cherche cette reconnaissance. Aussi, il est difficile d’être patron si l’on n’a pas un ego un peu surdéveloppé ». En avril 2022, il a vendu son entreprise à son fils Grégory, 43 ans, titulaire d’un DESS en mathématiques et informatique. Il reste actionnaire minoritaire et « conseiller » du président de Duval Métalu en savourant plus que jamais sa vie « allégé des responsabilités entrepreneuriales ».

Métal Flash D’où venez-vous ?

Noël Peyramayou Ma mère était espagnole, mon père d’origine basque française. Tous les deux des enfants abandonnés et placés à l’Assistance publique. La Sarthe était une destination courante des enfants abandonnés pour faire le sale boulot. Ils ont eu cinq enfants et je suis au milieu. Je suis né le 25 décembre, d’où mon prénom choisi par une infirmière. Ma mère était paumée, elle avait déjà deux enfants et mon père était en prison pour avoir bousculé un de ses chefs. Je pesais 5 kg à la naissance et j’ai gagné le concours du plus beau bébé de la Sarthe, du coup ma mère a obtenu une livraison d’un an de lait en poudre. Elle a revendu le lait et m’a donné le sein. On peut donc dire que j’étais dans les affaires dès la naissance…

M.F. Votre père occupe une place particulière dans votre vie.

N.P. Mon père Georges était manœuvre. Il nous a tous mis dans la tête qu’il fallait avoir un métier pour ne jamais manquer de rien. Travaillant sur les chantiers à la petite semaine, il n’a quasiment pas été à l’école et ne savait pas bien compter. Je l’ai embauché à la fin pour qu’il ait une meilleure retraite. Il a travaillé dans l’atelier au débit et, forcément, il fallait savoir compter. C’est alors que je me suis aperçu qu’il ne savait pas soustraire. J’en ai déduit que c’était une forme de générosité de sa part. De toutes les réussites que je peux m’octroyer il y en a deux ou trois, dont je suis fier. Celles d’avoir embauché mon père et la succession avec mon fils pour qu’il poursuive l’histoire en font partie. De façon plus anecdotique, avoir cessé de fumer, il y a trente ans, est une réussite vraiment personnelle. Car, généralement, on doit la plupart de ses réussites à un effort et à un travail collectifs.

M.F. Comment l’enfant des Glonnières, le quartier populaire du Mans, en est-il arrivé là ?

N.P. J’ai beaucoup travaillé et je n’étais pas le plus mauvais à l’école. J’ai passé mon CAP de métallerie et l’un des correcteurs était Monsieur Duval. J’ai été embauché, j’ai repris des études, suis devenu métreur mais avec une âme de commerçant. À 28 ans, j’étais directeur de l’agence parisienne de Duval et à la fin des années quatre-vingt j’ai racheté l’entreprise. Durant mon service militaire j’ai vite compris qu’il était préférable de passer du statut de commandé à celui de commandeur. J’avais conscience que je pouvais évoluer dans mon métier.

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© Pyc
Le père, le fils et l'entreprise...

M.F. Est-ce une revanche sur votre enfance ?

N.P. Je n’ai pas d’esprit de revanche, contre qui et contre quoi l’aurai-je ? J’ai grandi dans l’amour. Le dimanche en famille c’était repas de rois on mangeait du poulet. On poussait la table et on dansait avec maman. À 10 ans je savais danser toutes les danses ça m’a beaucoup servi plus tard. Par contre, c’est vrai que je voulais grimper dans l’ascenseur social, j’avais envie de posséder. Alors j’ai beaucoup travaillé intellectuellement et physiquement. Je dis souvent que les entrepreneurs sont des athlètes de haut niveau. Il nous faut tous être équilibrés, ne jamais flancher. Il y a un devoir de réussite, nous avons des familles qui elles aussi vivent par et pour l’entreprise.

M.F. Vous transmettez Duval Métalu à votre fils Grégory alors que l’économie est en plein doute. Comment vivez-vous cette situation ?

N.P. Cette situation est la même pour tout le monde. Certains s’en sortiront d’autres non. Il faut croire en soi et ses équipes. On est sur la mer et ça s’agite avec la même intensité pour tout le monde. J’ai coutume de dire « quand le jeu devient dur, les durs commencent à jouer » … Mon père, par exemple, ne commentait jamais la météo. Il était de ceux qui ne discutent pas ce que l’on ne peut pas influencer. Il vaut mieux s’attarder sur les domaines où l’on peut agir.

M.F. Grégory, comment voyez-vous votre rôle dans ce contexte tendu ?

Grégory Peyramayou Je suis dans l’entreprise depuis cinq ans, je n’ai pas été parachuté au poste de président par la volonté de mon père. J’ai déjà participé à la réorganisation de l’entreprise sur le plan des méthodes et de l’informatisation. Le plus dur n’est pas de maximiser les gains mais de limiter les pertes. Cela passe notamment par la mise en place du Lean management, par l’analyse financière et fonctionnelle, la qualité et l’ordonnancement des tâches, la relation bureau d’études et production, la redéfinition des postes, etc. Corriger les imperfections est une source de résultat considérable.

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Duval Métalu dispose d'un outil de production spacieux et solidement équipé.

M.F. Comment voyez-vous l’avenir de la métallerie ?

N.P. L’avenir de la métallerie est énorme pour ceux qui restent. C’est un des métiers les plus compliqués qui soit dans le bâtiment. Personne ne veut plus s’embêter à faire de la pièce unique pour chaque chantier. Ceux qui vont continuer, vont avoir un véritable avenir devant eux, peu importe leur taille. Le marché n’est pas en devenir mais c’est un marché d’avenir pour ceux qui resteront.

G.P. Sur le plan commercial nous avons arrêté de travailler avec les entreprises générales. C’était il y a trois ans. Les chemins de gains nous les trouvons aussi dans l’utilisation de nouvelles techniques à l’atelier. Par exemple, nous avons installé une cabine de soudage laser. On y croit car cette technique offre une série d’atouts non négligeables surtout pour l’assemblage des menuiseries acier. Je crois aussi aux centres d’usinages installés de manière optimale. Nous devons maîtriser toutes les solutions qui participent à la fabrication de moutons à cinq pattes. Ce qui freine cette démarche c’est sans doute la tradition et les habitudes…

M.F. Vous avez un discours très différent de celui de votre père. Est-ce une question de style ou d’époque ?

G.P. Les époques ne sont pas comparables. Mon père a été dans l’ère du baby-boom et des trente glorieuses. Nous sommes une génération plus volatile du fait de la précarisation des emplois. J’ai aujourd’hui en face de moi des interlocuteurs de mon âge pour lesquels la satisfaction tient à ce que l’on n’entende pas parler d’eux, tout du moins pas en mal. Ils sont heureux quand tout s’est bien passé. Il faut bien avoir à l’esprit que nous ne vendons pas seulement un produit mais aussi un service qui s’appuie sur la qualité et le délai. Et qu’on le veuille ou non, ça suppose d’avoir des outils performants de planification, par exemple.

N.P. On n’a pas le même vocabulaire mon fils et moi, c’est un nouveau monde. Mais nous nous comprenons tout de même. C’est essentiel…

La lettre au Pape

L’éloquence fait partie du personnage. Il en a fait une belle démonstration lors de la cérémonie d’intronisation des Compagnons de Saint Éloi, le 3 décembre à Saumur. « Afin de savoir si nous ne pouvions pas décaler la date de la célébration durant l’été, j’ai écrit au Pape », annonce Noël Peyramayou devant un public ravi de cette note d’humour. « Eh bien, il m’a répondu, du moins ses services, et je vais vous lire sa réponse… ». La date du 1er décembre est bien celle du Saint patron des métalliers et ça ne changera pas. La salle a applaudi, il a été la vedette du final de la célébration. Toujours ce besoin insatiable de reconnaissance…

Parcours

Enfant des Glonnières, quartier défavorisé du Mans, Noël Peyramayou s’est hissé dans le gotha de la « jet-set rillettes ». Chef d’entreprise marqué par la réussite, il prendra en 2013 la présidence de la CCI de la Sarthe après avoir été président du club de foot du Mans qu’il a monté en première division. L’ex-président de la FFB 72 aime les honneurs et son image lui est d’une importance capitale. Au point d’avoir fait sculpter son portrait sur sa pierre tombale qui est déjà en place. Il a aussi écrit ses mémoires, une forme de « legs à ses descendants ». Ce livre de 214 pages, « Un vrai comte de Noël », est un exercice « intimiste » qui révèle la part de sensibilité et de tendresse qui se cache derrière ce charmeur macho.