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Stocker ou ne pas stocker ? Telle est la question...
Stocker pour ne pas manquer ? Stocker juste ce qu’il faut quand il faut ? Ne plus stocker du tout ou le faire faire par d’autres ? Faire du stock tactique ? Quel que soit le scénario choisi, la question ne peut plus être prise à la légère. D’autant que le délai dicte le tempo.

Dans les années quatre-vingt, l’industrie ne jurait que par le « zéro stock ». La fascination pour le « juste-à-temps » et le « flux tendu » s’inscrivait dans la règle des cinq zéros : zéro délai, zéro défaut, zéro panne, zéro papier et enfin le zéro stock. Est-ce aujourd’hui transposable dans la métallerie ? Pas en ces termes car, à première vue, la métallerie ne ressemble en rien à l’automobile. Pourtant, tout chef d’entreprise, l’artisan comme le dirigeant d’une ETI, rêve d’une situation à « cinq zéros ». Il y a bien des passerelles entre la métallerie et l’industrie, indépendamment du fait que nombre de dirigeants actuels, repreneurs d’entreprises, en sont issus. Prenons la menuiserie acier. La majorité des métalliers travaille en flux tendu sur ce produit et ne stockent pas la dizaine de références de profils par gammiste en prévision d’un chantier à venir. Aussi, dans le dialogue entre le bureau d’études et les machines, les plans dépliés ont tendance à disparaître, nous allons bien vers le zéro papier. Quant au zéro défaut et zéro panne, c’est une autre histoire. Comme dans l’industrie, c’est aujourd’hui le délai qui donne le tempo dans le bâtiment. Les tractations avant chantier peuvent être longues. Mais une fois le feu passé au vert, il faut produire (ou faire faire) au plus vite. Cette question du délai qui se raccourcit remet la question du stockage au centre de la réflexion stratégique des dirigeants. Que faut-il stocker et comment ? Que faut-il mieux stocker ou cesser de stocker ? Le stock disponible est bien une des clés de la réactivité. En admettant qu’il y ait la place, faut-il pour autant tout stocker chez soi ? Ce sont des questions à mettre en perspective avec la diversité des entreprises de la métallerie. Par leur taille, leur emplacement géographique et leur type d’activité, le regard sur le stock ne sera pas le même. Entre un charpentier et un métallier il n’y a déjà pas le même regard sur les chutes. Le charpentier aura intérêt à les stocker et les inventorier, il en va autrement pour le métallier… Difficile donc de tracer les contours d’une stratégie idéale.

Quels sont les fondamentaux ?

Le Guide ESQ (Environnement, sécurité, qualité) édité par l’Union des métalliers en 2014 avait rappelé des fondamentaux : « stocker ce qui est utilisable – utiliser ce qui est stocké ». Cela commence par une organisation optimisée. À commencer par consacrer un espace propre aux commandes en cours et dédiées aux chantiers. Pour la gestion des références régulièrement utilisée en compléments de chantiers, les auteurs du guide recommandent « la gestion informatisée dans le cas de nombreuses références ». Les logiciels ERP qui connaissent un succès croissant chez les métalliers sont en mesure de prendre en compte cette gestion. Maintenant, intégrer dans l’ERP son stock de plats ou de cornières n’est peut-être pas utile. Il en va de même pour l’informatisation de chutes sans grande valeur. À ce stade se pose aussi la question de la gestion physique du stock : racks ou transstockeur ? « Le transstockeur n’est qu’un moyen. Il facilite l’accès, augmente l’ergonomie et la sécurité. Il n’est pas un élément clé de la gestion du stock », précise Jérémy Blanche de la métallerie Sarmates. Là encore, ça n’est économiquement pas raisonnable d’investir 150 000 euros, voire plus, dans un transtockeur sophistiqué pour y entreposer des fers courants. Enfin, le guide évoque la question de l’espace dédié au stock. Il peut devenir conséquent et à ce moment on court le risque de créer « du stock mort » posé dans une zone qui pourrait être productive et qui en plus serait chauffée inutilement…

Miser sur la réactivité des fournisseurs

Une donnée qu’il faut prendre en considération dans cette problématique est la logistique. Une stratégie de stock sera nécessairement influencée par la réactivité et la proximité des fournisseurs. Prenons le cas d’un industriel comme Métal Déployé. Après avoir assuré le stock de sa centaine de références pour le négoce, Métal Déployé a décidé, il y a trois ans, de s’adresser directement aux métalliers. « Un client nous demande une feuille d’un type particulier, elle est livrée en maximum cinq jours. La distribution qui attend de regrouper ses commandes livre elle en quinze jours », insiste Alain Ouenne, responsable de la prescription. Avec la pandémie et le développement exponentiel du commerce en ligne, c’est toute la chaîne logistique qui s’est mise en mode rapide. Des services de réassortiment tels que les propose Würth (avec Orsy son armoire connectée), permettent d’avoir une disponibilité continue sur des consommables et des EPI, par exemple. Ce dernier a créé son e-shop d’achat en ligne sur lequel le client en scannant le QR Code peut télécharger la documentation et passer directement commande. Certains métalliers trouvent des astuces : Covermétal, en Savoie, a son stock de profils pour charpente chez son voisin constructeur métallique. Ce dernier assure aussi le parachèvement, c’est du gagnant-gagnant. Il en va de même pour les miroitiers qui assurent souvent une partie du stock pour leurs clients métalliers. Là encore, un outil ERP comme 2CM Manager, par exemple, peut assurer le rôle de lien et de contrôle du flux des approvisionnements.

Vers un « management » du stock

Le stock est assurément devenu un sujet sensible en métallerie. L’impératif de productivité et de rentabilité impose une vision nécessairement globale. Pourquoi faudrait-il stocker et, pendant qu’on y est, pourquoi faudrait-il débiter et percer ? Des questions qui sont légitimes au regard de certains dirigeants qui se concentrent alors sur la conception, l’assemblage et la pose. La technologie, dont l’informatique, n’a pas simplifié les choses pour le décideur, au contraire. Il doit réfléchir à un « management du stock » qui peut avoir des effets conséquents sur sa manière de produire. Une réflexion managériale qui va bien au-delà du choix entre des racks et un transtockeur.

« Contreproductif d’avoir en permanence du stock »

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"Nous avons acquis iCM Manager, cet ERP reprend les informations sur nos chutes", Geoffrey Denys.

« Je ne fais pas de stock. Nous sommes charpentiers et n’avons que 4 600 m2 dont une zone de stockage de 1 200 m2 qui n’accueille que ce qui est dédié à des chantiers. Nous sommes en flux tendu. C’est un peu atypique peut-être, mais comme nous sommes proches d’Anvers, nous n’avons pas de soucis d’approvisionnement en acier. En trois jours maximum, nous sommes livrés. En plus, comme nous utilisons tous les types de profils, rien n’est standard, il serait contreproductif d’avoir en permanence du stock sur site. J’ai dix tonnes en stock au maximum. Nous n’avons pas intérêt d’acheter de l’acier au moment où les prix sont bas, nous préférons investir dans les machines de production plus performantes. Quand les sociétés sont sur une approche de gros volumes et qu’elles ont un peu de trésorerie, elles peuvent être tentées de faire ce type de choix et donc de stocker de la matière. Or, notre activité est variable, nous nous adaptons aux clients, tantôt nous serons occupés sur la charpente, tantôt sur le bardage ou la métallerie. Nos équipes sont polyvalentes. Beaucoup de métalliers sont dans ce cas. Nous avons acquis il y a un an 2CM Manager, cet ERP reprend les informations sur nos chutes. C’est une gestion fine du stock de chutes qui gère aussi les pots de peintures, les consommables de soudage, les accessoires… »

« Des temps d’approvisionnement ultracourts »

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"Nous avons négocié des temps d’approvisionnement ultra-courts avec nos fournisseurs", Franck Belin.

« Nous avons porté notre choix vers le zéro stock pour les profils et des poutrelles. Nous avons négocié des temps d’approvisionnement ultracourts avec nos fournisseurs qui coupent et percent ces éléments de structures prêts à assembler. Ils sont plusieurs désormais à être équipés des machines « dernier cri ». Nous n’avons souvent plus qu’à assembler et évitons ainsi la course au matériel. Ce dernier devenant de plus en plus volumineux et demandant des surfaces construites importantes et donc lourds en investissement avec des périodicités de charges de travail fluctuantes ! Nous stockons par contre la tôle que nous débitons et plions obligatoirement. Mais là aussi, avec un stock tampon limité et nous passons des commandes par affaire de façon à ne pas avoir la double peine de piloter à la fois une gestion de stock générale et une par affaire. C’est donc le chargé de projet/dessinateur qui, une fois la conception finalisée, consulte, négocie et commande les approvisionnements. Le chef d’atelier n’a plus qu’à gérer le stock tampon des éléments récurrents. Donc pour nous il n’est pas utile d’avoir un logiciel spécifique. »

Le transstockeur « un outil offensif »

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"Un stockeur est bien quand il est vide pas quand il est plein, il doit tourner", Betrand Génault.

« Nous possédons trois stockeurs automatisés et deux manuels. Notre atelier est assez petit, du coup on est vraiment obligé de ranger et de gérer au mieux ce faible espace. Au départ, nous utilisions ces équipements uniquement pour stocker de la matière première, mais avec l’expérience, nous avons changé d’optique, et les stockeurs servent aussi au rangement, pour la quincaillerie, les joints, certains consommables, des outils de production… Un des stockeurs est dédié aux tôles, c’est clairement un outil de sécurité et de productivité. Il est situé tout près de la plieuse et de la cisaille, ce qui réduit considérablement la surface affectée à l’activité tôlerie. Le plieur est en sécurité, même pour le chargement et le déchargement des tôles. De plus en plus, nous externalisons les débits et les usinages chez des prestataires (laser-tube) et nous sommes en cours d’organisation du stockage de ces appros dans les bacs du stockeur. Dans cette optique, celui-ci devient utile «quand il est (presque) vide, pas quand il est (trop) plein». Les matières doivent tourner, et le stockeur devient alors « un outil offensif », et pas uniquement un outil statique, même si nous y mettons aussi les barres de plats et de tubes que nous utilisons sur toutes les affaires que nous réalisons. L’idée est d’avoir dans un bac les pièces correspondant à un chantier ou un ouvrage. C’est un changement de perception tant sur la matière que sur l’action de stockage. »

« Une question d’organisation, de communication des informations »

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"On s’est donné l’objectif de gagner fin 2021 entre 10 et 20% de la valeur du stock actuel", Jérémy Blanche.

« Je pilote deux sites, l’un traite l’urgence et le dépannage en région parisienne, l’autre la fabrication des principaux ouvrages en Pays de la Loire. Nous avons une traçabilité informatique de tout ce qui sort et entre dans le stock. Nous imputons ce que l’on prend dans le stock pour un chantier avec une demande enregistrée sur un ERP qui dialogue entre les deux sites. Je regarde les cours des matières pour acheter au meilleur prix, car, à Mazé, nous avons la place. Nous valorisons tous les stocks, y compris les reliquats de chantiers. Je participe aux réunions de lancement de projets avec cet inventaire sous la main. En termes financiers on s’est donné l’objectif de gagner fin 2021 entre 10 et 20 % de la valeur du stock actuel. C’est-à-dire que l’inventaire de la fin de l’année prochaine devra être inférieur de 10 à 20 %. Avant même les études, disons pour un garde-corps avec des plats et des barreaux de telles sections… Je vais pouvoir dire ce que nous avons d’approchant. Nous proposons alors la variante au client qui peut y trouver son intérêt : délai plus court. Auparavant, nous faisions les plans et les études avant de regarder ce que l’on avait en réserve. La gestion performante du stock, est une question d’organisation, de communication des informations, de méthode et de management avant d’être une question de logiciel ou de matériel d’entreposage. Faire l’inventaire est la clé, savoir ce que l’on a et où le trouver. Ensuite c’est une méthode d’achat. Vérifier le stock avant de passer une commande est élémentaire. »