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Qui aurait cru qu’une réglementation applicable au bâtiment puisse avoir les rebondissements dignes d’une série TV ? La saga des RT s’achève, celle des RE la remplace, non sans arrière-pensées…

La saga des RT avait commencé par la RT 1974 et a été un Leitmotiv pour les acteurs de la construction. Les réglementations thermiques ont haussé par paliers les exigences en termes de dépenses énergétiques pour la construction neuve et, par la suite, pour la rénovation et les extensions. Elles se sont inscrites dans une dynamique européenne enclenchée à la suite du premier choc pétrolier. Les RT ont visé l’énergie et ont ouvert la voie à l’idée qu’un bâtiment tertiaire ou un logement puisse devenir « frugal » sur le plan de sa consommation énergétique.

La chasse au carbone est ouverte

Avec la RE 2020 (réglementation environnementale) changement de paradigme. Cette réglementation supposée entrer en vigueur à l’été 2021 (date repoussée au 1er janvier 2022) n’a plus seulement l’énergie en ligne de mire mais le carbone et le réchauffement climatique. Il s’agit de mesurer l’impact environnemental sous l’angle des émissions carbone de chaque bâtiment et de chacun des matériaux utilisés en le plaçant dans une lecture de l’analyse du cycle de vie (ACV). On avait abouti à un consensus avec le label E+C- qui détermine les émissions de gaz à effet de serre selon une approche de l’ACV dite « statique » sur une durée de 50 ans. Or, l’urgence climatique est devenue criante aux oreilles des décideurs politiques et la France veut montrer qu’elle sait prendre l’initiative sur ce terrain. L’histoire devient palpitante : la France passe d’une approche de l’ACV « statique » qui repose sur des normes de calculs reconnus par l’ensemble des pays, à une ACV « dynamique » ne reposant sur aucune norme et inconnue des autres membres du CEN (comité européen de normalisation). Que dit cette voie « dynamique » ? Pour faire court : elle prend en compte les « capacités de stockage du carbone » et les coefficients appliqués sont meilleurs en début qu’en fin de vie du produit. Précisons : le bois qui consomme peu de carbone à l’extraction et à la transformation, donc au début de son cycle et qui dégage le carbone stocké durant 50 ans en fin de cycle quand il est brûlé ou enfui, serait privilégié. Le monde de la construction qui comprend des dizaines de grandes familles de matériaux s’est mis vent debout contre ce traitement jugé inéquitable. Il a obtenu un report de l’entrée en vigueur de la RE 2020 et la possibilité de révisions dans le cadre d’une « clause de revoyure ».

Démarche électoraliste ?

La morale de l’histoire est que la France veut montrer de quoi elle est capable sans avoir les moyens d’imposer sa manière de penser aux autres membres de l’UE. Au vu de la précipitation hasardeuse du gouvernement, il est difficile de ne pas y voir un « effet d’annonce » pour, sans doute, capter des voix chez les écologistes. Les prochaines présidentielles sont bien en 2022 ?